mercredi 30 novembre 2011

Aller au dictionnaire, 2.

Extrait
de la préface du DICTIONNAIRE DE LA PSYCHANALYSE 


Freud parlant de la psychanalyse pouvait dire : "notre jeune science".
Nous ne le pouvons plus, elle est centenaire. Et il n'est plus nécessaire de justifier 
l'autonomie de ses concepts, qui ont fait leurs preuves dans le mouvement même 
où ils ont trouvé à se déplacer, se modifier, se restreindre ou s'étendre. Et d'autres sont apparus.
La psychanalyse ne fut jamais une entreprise solitaire -transfert oblige. 
Il y faut l'expérience du partenariat, de l'échange, de la critique tant interne qu'externe, 
et une expérience des disciplines dites "affines".
Ce champ, arpenté de longue date, est, notamment en France, d'une exceptionnelle fertilité.

Dictionnaire : de dictio, action de dire. Dimension fondamentale de l'acte de dire.
Les psychanalystes éprouvent régulièrement le sentiment de ne plus rien savoir. 
Cela tient à la nature même de l'inconscient et de sa pratique. Necessaire "nescience", dit Freud, 
à mettre en oeuvre devant chaque nouveau cas. Que les freudiens s'expliquent sur leur savoir-faire, 
à eux-même souvent énigmatique, et qu'on dise, par un dictionnaire, emporte avec soi cet acte .. 

Scilicet : "Tu peux savoir", nom qui fut donné à la revue de l'Ecole Freudienne de Paris. 
Ce dictionnaire en reprend le pari, en une entreprise résolument actuelle : 
comme un discours ne joue que par rapport aux autres discours, 
celui de la psychanalyse joue par rapport aux discours contemporains ..
Une entreprise généralisée de refoulement est à l'oeuvre à l'égard de la psychanalyse,
une marche irrésistible d'un discours de la science qui vaudrait pour tous, 
alors qu'il exclut le sujet, dans une universalisation des échanges, 
alors que sévissent les plus féroces ségrégations.

                                  Marcel Czermak, psychiatre des hôpitaux, psychanalyste.
                                                             ________________


Extrait de la QUATRIEME DE COUVERTURE :

La psychanalyse, avec Freud, a produit une mutation sans précédent dans la conception de l'homme,
qui s'est aperçu, depuis, qu'un déterminisme inconscient organise son existence.
Avec Lacan ce déterminisme se révèle clairement comme étant celui du langage même.
Cette dimension étant reconnue, elle doit avoir toute sa place dans la théorie.
Qui ne consiste pas en un simple usage de concepts et d'énoncés où on oublierait l'énonciation,
non, la langue psychanalytique possède une dimension métaphorique, parfois poétique ..
Roland Chemama, agrégé de philosophie, psychanalyste,
Bernard Vandermersch, psychiatre, psychanalyste.
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dimanche 16 octobre 2011

Aller au dictionnaire, 1.

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J'ai évoqué, à propos des débuts de la psychanalyse freudienne,
"l'homme qui inventa la méthode et la belle qui la lui souffla",
en pensant à Dora bien sûr, et aux hystériques magnifiques.

Le mot "belle" ne s'est pas présenté dans n'importe quel contexte,
mais dans un ensemble, une sorte de nuage de mots, avec "hystérique", "lexique", et d'autres,
et "belle hystérique" m'a fait penser à un dessin de Picasso,
celui que Laplanche et Pontalis ont choisi pour illustrer leur Vocabulaire de la psychanalyse,
 lexique s'il en est.
Il m'a seul accompagnée pendant pas mal d'années.

Mais en 1998 j'ai rencontré Lacan, cet infatigable et génial lecteur de Freud. 
Depuis, c'est dans le Dictionnaire de psychanalyse de Chemama et Vandermersch
que je me plonge pour trouver une première armature des concepts psychanalytiques freudo-lacaniens. 





Il semble qu'avec les citations et références des premiers articles du blog, j'ai fait la part belle
aux psychanalystes de formation psychiatrique ou philosophique, aussi je rétablis un équilibre auquel je tiens,
en citant le premier nom de psychologue psychanalyste qui me vient à l'esprit : Norbert BON.
Ah ! C'est plutôt, certainement, à cause de la couleur bleue que j'ai pensé à ce nom,
via la couverture de son livre :




Et un article de Norbert Bon, pour faire bonne (!) mesure :

http://www.freud-lacan.com/articles/article.php?url_article=nbon251209#pagewidth

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samedi 15 octobre 2011

Lexique.

                                                                        



                                                                 Divan : Un meuble.
                                Le mot condense, pour certains, des éléments qui titillent l'imaginaire, 
                         à partir d'une situation pourtant très matériellement circonscrite à deux êtres :
                      en position non symétrique, l'un allongé sur un divan, l'autre assis dans un fauteuil
                                                               Entre eux : la parole. 
          Depuis la séance inaugurale, primordiale, qui eut lieu entre l'homme qui inventa la méthode
                                        et la belle qui la lui souffla, bien plus d'un siècle s'est écoulé.

                                                                    
L'Autre : rien de concret.
Quand on s'adresse à une personne, un autre être humain, un de nos semblables, autre que soi,
il y a ce qu'on lui dit, dont on se débrouille pour que ce soit uniquement pensé et conscient,
et il y a tout ce qu'on ne lui dit pas, mais qui existe quand même, "quelque part",
dans une sorte de "lieu",  un lieu à consistance de mémoire, de somme.
La plupart du temps on ne s'en rend pas compte.
Et puis quelquefois quelque chose s'entr'ouvre, et de cet Ailleurs on a un écho, un ricochet :
le discours trébuche, on associe des choses, des mots, ou bien la pensée s'arrête,
parce que quelque chose d'Autre interfère.

Mère phallique : il ne s'agit pas de la personne qu'est la mère en tant qu'être qui serait "phallique"
avec tout ce que vulgairement on sous-entend, d'une femme qui serait virile, autoritaire etc..
Jacques Lacan nous explique très bien cela dans son séminaire sur LA RELATION D'OBJET ,
quand il décortique les tenants et aboutissants de l'analyse, par Freud, du petit Hans.
L'expression "mère phallique" dit ce que doit être une mère,
pendant une certaine étape du développement psychique de l'enfant :  il y a un moment où tout enfant
entrevoit que celle qui assure sa protection d'une si complète et si satisfaisante façon n'a pas tant
de puissance qu'il croyait, qu'elle est aussi une femme désirant autre chose que lui-même, et que,
désirante, elle est manquante, en dépendance de quelque chose, donc pas si forte qu'il ne craigne rien.
Sa certitude de protection totale vacille, et pendant un certain temps il va faire cohabiter en lui
deux états, deux "savoirs" : l'un d'admettre que dans la réalité sa mère n'est pas toute-puissante,
l'autre est de continuer à imaginer, fantasmer sa mère
suffisamment puissante pour qu'il soit à l'abri, comme il l'était jusque-là, de tout déplaisir.
(les personnes qui croient qu'un enfant dessinant une "grande" mère par rapport à un "petit" père
veut dire qu'il verrait sa mère plus forte que son père devraient faire attention à ces interprétations
à la kalachnikov, parce que c'est peut-être exactement le contraire : l'enfant, qui sait que sa mère
n'a aucun pouvoir peut la dessiner "grande" parce que c'est, momentanément, ce qu'il désire)

Dialectique
C'est l'art de raisonner avec méthode, dans la discussion ou l'analyse.
C'est quelquefois connoté négativement, quand celui qui parle devient confus,
ou quand celui qui écoute ne comprend rien d'ailleurs.

Déchoir :
aujourd'hui le mot "déchéance" est employé dans sa connotation négative de
décrépitude, abaissement, et le verbe Déchoir peut y faire penser.En fait ici cela a le sens
 de tomber dans un état inférieur à celui où on était.Mais si on était dans un état très haut
(état de grâce en religion), c'est plutôt du coté d'un retour à la normale, à la réalité.












                                                                 


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vendredi 14 octobre 2011

FREUD, Sigismund.






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Je suis en panne peine d'élaboration : "gargoulette", ça arrête plus que prévu.
Au lieu d'ouvrir les vannes ça produit de la panne.

L'inconscient ne connait pas le temps,
pas plus le temps des blogs que le temps qui passe ..
 " le temps qui passe .. le temps qui s'arrête .. le temps d'aimer .. et de disparaître .. " 
chantait Charles Aznavour ..

Alors je vous offre cette photo de Freud. 
Pour l'originalité, on repassera.
Mais pour son pouvoir sur l'imaginaire, c'est autre chose.

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mercredi 12 octobre 2011

Séminaire IV, leçon 10 : L'identification au phallus.

 Séminaire IV sur LA RELATION D OBJET ET LES STRUCTURES FREUDIENNES


     1 ère partie :   THEORIE DU MANQUE D OBJET
        1. introduction
        2. les trois formes du manque d'objet
        3. le signifiant et le saint-esprit
        4. la dialectique de la frustration
        5. de l'analyse comme bundling et ses conséquences.
     2 ème partie : LES VOIES PERVERSES DU DESIR
        6. Le primat du phallus et La jeune homosexuelle
        7. "On bat un enfant" et La jeune homosexuelle.
        8. Dora et la jeune homosexuelle.             
     3 ème partie :  L'OBJET FETICHE
         9. La fonction du voile.
                                   10. L'identification au phallus.    

                                                                               
                                                                                   Hermès attachant sa sandale.
                                                                 http://www.louvre.fr/routes/la-sculpture-grecque



J'ai fait la dernière fois un pas vers l'élucidation du fétichisme, cet exemple fondamental de la
dynamique du désir, qui nous intéresse au plus haut point car 1) nous avons affaire à lui dans notre
pratique, non comme désir construit, mais un désir avec tous ses paradoxes, de même que nous avons
affaire à un objet dans tous ses paradoxes. Et 2) la pensée freudienne est partie de ces paradoxes,
et en particulier du désir pervers. Il ne faut pas oublier cela dans nos tentatives de réduction,
face aux théories les plus naïvement intuitives de la psychanalyse d'aujourd'hui.

Ce petit pas a surpris ceux qui se satisfaisaient de la théorie de l'amour comme étant fondé sur le fait
que le sujet s'adresse au manque qui est dans l'objet. Cela leur semblait suffisamment éclairant,
malgré leur trouble d'apercevoir que de l'au-delà et du manque s'ajoutent au rapport sujet-objet.
Ajouter que quelque chose, encore, est situé avant l'objet : le voile, ce rideau où se fait
la projection imaginaire, est une complication supplémentaire.
Sachez qu'il sert à faire apparaître ce qui devient une figuration du manque : le fétiche, 
comme support du désir qui prend là son nom, dans ce cas le désir en tant que pervers
et le fait que le fétiche vient figurer sur le voile ce qui manque au-delà de l'objet.
Cette schématisation va instaurer des plans successifs => mieux vous y retrouver avec l'ambivalence
et confusion perpétuelles, où le oui équivaut au non, le dirigé dans un sens = dirigé en sens contraire,
bref, tout ce que, malheureusement, les analystes qualifient habituellement d'ambivalence.

A la fin de ce que j'ai dit la dernière fois sur le fétichisme, j'ai montré l'apparition d'une position
"complémentaire" qui apparaît dans les phases de la structure fétichiste, voire dans les tentatives
du fétichiste pour rejoindre cet objet dont il est séparé par quelque chose dont lui-même ne comprend
ni la fonction ni le mécanisme. Cette position qu'on peut dire symétrique, correspondante,
pôle opposé par rapport au fétichismec'est la fonction du transvestisme. Dans le transvestisme
le sujet s'identifie à ce qui est derrière le voile, à l'objet auquel il manque quelque chose.
Les auteurs l'ont bien vu à l'analyse, qui disent, dans leur langage, que le transvestiste s'identifie à
"la mère phallique" ** , en tant que, d'autre part, elle voile le manque du phallus.
Et le transvestisme nous fait aller plus loin.
On n'a pas attendu Freud pour aborder la psychologie du vêtement et voir, dans son usage, quelque
chose d'une fonction transvestiste. L'appréhension immédiate et courante de la fonction du vêtement
est de cacher les pudenda. La question est plus complexe aux yeux de l'analyste, et les auteurs
qui parlent de mère phallique feraient bien de s'apercevoir de ce qu'il disent.
Les vêtements ne sont pas faits seulement pour cacher ce qu'on en a, au sens de en avoir ou pas
mais précisément aussi ce qu'on n'en a pas. Les deux fonctions sont essentielles.Ce dont il s'agit
essentiellement et toujours, ce n'est pas de cacher l'objet, mais aussi de cacher le manque d'objet.
Inversement, dans l'usage massif qui est fait de la relation scoptophilique,
on considère que se montrer est tout simple, et serait corrélatif du voir, du voyeurisme.
Mais là aussi une dimension est volontiers oubliée :
Il n'est pas vrai 
que le sujet simplement "se montre" dans un pôle toujours corrélatif à l'activité "voir",
comme s'il s'agissait simplement de l'implication dans un couple de capture visuelle. Il y a 
dans la scoptophilie une implication supplémentaire, exprimée dans la forme réfléchie du
verbe (qui dans d'autres langues s'appelle la voix moyenne) :  se donner à voir. 
Avec les 2 dimensions combinées, confondues sous le titre "voyeurisme-exhibitionnisme", 
ou noyées dans ce qu'on appelle massivement "la relation scoptophilique", on ne voit pas que
ce que le sujet donne à voir -en se montrant- est autre chose que ce qu'il montre


O. Fénichel, très mauvais théoricien sous une apparente clarté, mais pas sans expérience analytique,
s'en est bien aperçu : sous l'échec désespérant de son effort de théorisation il y a des perles cliniques
et le pressentiment de faits que (grâce un espèce de flair pris de l'expérience) il groupe autour d'un
thème de l'articulation analytique à partir d'un rameau de relations imaginaires fondamentales
Autour de la scoptophilie et du transvestisme, par exemple, il groupe
 ce qui présente une parenté malgré des différences phénoménologiques. Dans une vaste et fade
littérature j'ai cherché jusqu'où les analystes ont pénétré pour articuler cela. Pour Fénichel (1949) 
l'équation girl=phallus  n'est pas sans rapport avec l'équation féces=enfant=pénis. 
C'est à dire que l'enfant peut égaler, dans l'inconscient du sujet, spécialement féminin, le phallus, 
que l'enfant est donné à la mère comme substitut, ou même équivalent, du phallus. son article vise
spécifiquement la fille : il part de traits connus dans le fétichisme, ou qui s'en approchent, ou de
certaines perversions qui marquent la fille, à interpréter comme l'équivalence du phallus du sujet. 
Des données analytiques indiquent que la fille, et l'enfant en général, peut se concevoir soi-même
en équivalent du phallus, le manifester par son comportement, et vivre la relation sexuelle
sur un mode qui comporte qu'elle-même apporte au partenaire masculin son phallus, cela se voit alors
dans la position amoureuse privilégiée : se pelotonner en un certain coin du corps de son partenaire.
Ce sont des faits frappants,
comme ces cas où le sujet masculin se donne à la femme comme étant ce qui lui manque, ou comme
lui apportant le phallus au titre de ce qui lui manque, imaginairement parlant. Fénichel rapproche
ainsi des faits qui en eux-mêmes ne sont pas du tout dans le même rapport à l'objet, objet qui
soit apporte, soit donne, soit désire, soit même se substitue. Mais le regroupement de ces faits va
au-delà de la simple exégèse théorique : que la petite fille par ex. puisse être un objet d'attachement
prévalent pour un certain type de sujets montre qu'une fonction, disons mythique, se dégage là,
concernant aussi bien des mirages pervers que de tout une série de constructions littéraires.

Certains parlent de type mignon en référence à Mignon la bohémienne de Goethe, à qui il prête 
une position bisexuée car elle vit avec un protecteur brutal, énorme, manifestement super-paternel,
qui lui sert de serviteur supérieur, et qui a lui-même besoin d'elle ("Harfner, elle en a le plus grand
 besoin, Mignon, sans laquelle lui ne peut rien faire). Sont ainsi couplés la puissance incarnée, 
puissance à l'état massif, brutal, et ce sans quoi cette puissance est sans efficacité.
Le secret de cette puissance même est ce quelque chose qui n'est rien qu'un manque.

On peut évoquer cette fameuse magie que la théorie analytique attribue, de façon toujours confuse,
à l'idée de toute puissance.
La structure de cette omnipotence n'est pas dans un sujet, cette structure est dans "lamère"
en tant qu'Autre primitif (NDMM : et pas en tant que personne), ce qui est tout-puissant
c'est l'Autre derrière quoi il y a le manque dernier, manque auquel est suspendue la puissance.

Vient un moment où le sujet aperçoit, dans l'objet dont il attend la toute-puissance, ce manque qui
le fait lui-même impuissant. Il reporte alors le dernier ressort de la toute-puissance encore au-delà,
là où quelque chose n'existe pas au maximum, là où, dans l'objet, est symbolisé le manque, 
là où il n'y a rien, que symbolisme du manque, fragilité et petitesse. 
Le sujet alors accentue encore le vrai ressort de la toute-puissance, et nous avons ce très intéressant
type Mignon, reproduit dans la littérature en un très grand nombre d'exemplaires.

Le diable amoureux de Cazotte  est un témoignage exemplaire de la profonde divination de
la dynamique imaginaire que j'essaye de vous développer, l'illustration majeure de ce que signifie
cet être magique au-delà de l'objet auquel s'attachent les fantasmes idéalisants. Le conte
commence dans une caverne ... le diable y apparaît ... sous la forme d'une tête de chameau pourvue
de grandes oreilles et qui dit à l'auteur, d'une voix caverneuse, "Que veux-tu ?" Che vuoi ? 
D'une part cette interrogation, fondamentale, illustre de façon saisissante la fonction du surmoi.
D'autre part et surtout, on voit comment c'est un même être qui est supposé se transformer
après le pacte. Un petit chien devient un ravissant jeune homme, puis une ravissante jeune fille,
qui ne ne cessent de s'entremêler dans une parfaite ambiguïté. Personnage aimé au nom significatif,
"Biondetta", qui devient la source de toutes les félicités,qui accomplit tous les désirs et procure la
satisfaction magique de tout ce qui est souhaité. Le tout baigne dans une atmosphère de fantasme et
d'irréalité, teintés de danger et de menace permanente. La situation se résout par la soudaine rupture
de cette course toujours plus folle, et la disparition catastrophique du mirage au moment où,
comme il convient, le sujet retourne au château de sa mère.
Fragoletta de Latouche est aussi un curieux personnage, nettement transvestiste : une jeune fille, qui
 est un garçon, joue un rôle analogue à celui du Mignon de G. L'affaire finit en duel, et le héros tue
Fragoletta qui s'est présentée à lui comme garçon, et qu'il n'a pas reconnue. On voit l'équivalence
d'un certain objet féminin de la Verliebtheit (état amoureux) avec l'autre en tant que rival.
(ce même autre dont il s'agit quand Hamlet tue le frère d'Ophélie). Ces romans mettent en scène
un personnage fétiché, ou fée. C'est le mot portugais factiso qui a donné le mot  fétiche, qui n'est
rien d'autre que le mot factice. Dans ces romans il est question d'un être féminin ambigu qui 
en quelque sorte incarne, au-delà de la mère, le quelque chose qui lui manque, le phallus.

Il l'incarne parce que ne le possèdant pas, il est -son être- tout entier dans la représentation, Vorstellung. Cette fonction éclaire la relation énamorante qui s'établit dans les voies perverses 
du désir, qui sont exemplaires des positions à distinguer, quand nous analysons ce désir.

Nous voilà conduits à ce qui est là sous-jacent, la notion d'identification.

Latente, émergente, puis redisparaissant, elle est présente dans l'oeuvre de Freud dès l'origine : son
 implication dans La science des rêves, son explication majeure dans le chapitre 7 de Psychologie 
des masses et analyse du moi, nous montrent, comme très souvent chez Freud, et c'est la valeur
de son oeuvre, sa plus grande perplexité : il avoue son embarras, voire son impuissance à sortir du
dilemme de l'ambiguité perpétuelle entre deux termesidentification et choix de l'objet, qui
apparaissent dans nombre de cas comme se substituant l'un à l'autre avec si déconcertant pouvoir de
métamorphose que la transition n'est pas saisie. Il faut pourtant maintenir la distinction, car comme
 le dit Freud, être du coté de l'objet ou être du coté du sujet c'est différent. Pour un objet
devenir objet de choix, ce n'est pas pareil que devenir support de l'identification du sujet.
C'est un fait formidablement instructif en soi. 
Et la facilité avec laquelle on s'en accommode, usant d'un ou l'autre terme comme équivalents sans
observation ni théorisation ! Ou alors cela donne (Gustav Graber, Imago 1937) cette chose étourdissante
 "Deux espèces de mécanismes d'identification" où tout se résout par la distinction identification passive/
/active, alors que les 2 pôles sont présents dans toute espèce d'identification, dont il s'aperçoit in fine.

Il vaut mieux revenir à Freud et reprendre la façon dont lui articule la question. Le chapitre 7 de
Psychologie collective et analyse du moi débute par 1 phrase qui met tout de suite dans qq chose
de bien plus pur que ce qu'on lit d'habitude : L'usage linguistique reste, même dans ses caprices,
toujours fidèle à une Wirklichkeitréalité efficace quelconque. Dans le chapitre précédent 
Freud évoque l'identification au père, exemple de ce qui nous fait comprendre ce phénomène. 

C'est aussi un exemple des mauvaises traductions françaises. Exemples : en allemand  
En même temps que cette identification avec le père, peut-être même un peu plus tôt, le petit
  garçon commence à diriger vers sa mère ses désirs libidinaux"  en Français cela donne
un peu plus tard => se pose la question : l'identification au père est-elle préalable ? 
Autre exemple sur le rapport entre état amoureux et identification qui laisse Freud perplexe. Pour lui
l'identification est 1 fonction primitive fondamentale car elle comporte un choix de l'objet,
ce choix étant profondément lié au narcissisme, l'objet est une sorte d'autre moi dans le sujet
Freud se demande alors comment articuler la différence entre identification et Verliebtheit 
dans leur sens de fascination, inféodation,Hörigkeit, .. 
Cela donne en français  : ds le 1er cas le moi s'enrichit des qualités de l'objet, s'assimile à l'objet ..
dans le second cas il s'appauvrit, s'étant donné tout entier à l'objet, effacé devant lui .
alors qu'il s'agit (voir Ferenczi) d' introjection et des rapports entre introjection et identification.
Ensuite la phrase objet qu'il a posé à la place de son élément le plus constituant, est gommée,
alors que Freud y analysait l'opposition entre ce que le sujet introjecte, qui l'enrichit,
 et ce qui lui prend quelque chose de lui-même, et l'appauvrit). 
Il fait un parallèle avec ce qui se passe dans l'état amoureux, quand un sujet se dépossède peu à peu
de ce qui est de lui-même au bénéfice de l'objet aimé, qu'il se met humblement dans une complète
sujétion par rapport à l'objet de son investissement. Et c'est cet objet, pour lequel il s'appauvrit
qu'il met à la place de son élément constituant le plus important, (Bestandteil). 
Et Freud poursuit dans ce sens sans ménager ses mouvements (il s'avance, voit que c'est incomplet,
 revient en arrière) sur le fait que cette description fait apparaître des oppositions qui, au point de vue
économique, n'existent pas (nicht bestehen) "Au point de vue économique, il ne s'agit ni
 d'enrichissement, ni d'appauvrissement, car même l'état amoureux extrême peut-être conçu
comme une introduction de l'objet dans le moi. 
La distinction suivante porterait peut-être alors sur des points plus essentiels. En français Dans le cas d'identification l'objet se volatilise et disparaît pour reparaître dans le moi, qui subit une 
transformation partielle, d'après le modèle de l'objet disparu. Dans l'autre cas l'objet substitué 
est doté de toutes les qualités par le moi et à ses dépens. Pourquoi l'objet disparaîtrait-il pour 
reparaître dans le moi après transformation partielle d'après le modèle de l'objet disparu ? 
Texte allemand : Peut-être qu'une distinction autre serait l'essentiel. Dans le cas de
l'identification, l'objet a été perdu (référence à la notion fondamentale partout présente chez
Freud : la formation de l'objet, repose sur la notion fondamentale de perte de l'objet) ou abandonné.
(Il ne s'agit donc pas d'objet qui se volatilise ou disparaît, car justement il ne disparaît pas) 
Il est alors de nouveau ré-érigé dans le moi, et le moi se transforme partiellement d'après le
modèle de l'objet perdu. Dans l'autre cas (Verliebtheit) l'objet est conservé (erhalten geblieben)
  et surinvesti (überbesetzt), de la part et aux dépens du moi. Mais cette distinction soulève alors
une nouvelle réflexion : est-il bien sûr que identification suppose abandon de l'investissement
de l'objet ? Avant d'entrer dans cette discussion, arrêtons-nous à la considération que nous présentons, qu'il y a une autre alternative, dans laquelle peut se concevoir l'essence de cet état
 de choses, et qui est que l'objet soit placé à la place du Ich (moi) ou du Ich-ideal (idéal du moi).

La démarche de Freud laisse embarrassé, et ce qui en résulte : la place de l'objet dans ces différents
moments d'aller et de retour, selon qu'il est objet d'identification ou objet de la capture amoureuse, reste ambigüe. Mais ce que j'ai voulu montrer c'est que l'interrogation est posée, et que même
s'il ne s'agit pas d'un texte testamentaire de Freud, c'est un sommet d'élaboration théorique.

Essayons de reprendre le problème 
à partir des rapports de la frustration avec la constitution de l'objet.

D'abord pensez au lien communément établi entre identification et introjection (voir plus haut).
En faisant de la métaphore sous-jacente à l'introjection une métaphore orale, on ne distingue
pas l'introjection de l'incorporation. Cela vient des articulations kleinienne avec ses fameux objets
primordiaux constitués en bons et mauvais, et leur introjection dans un monde primitif, sans limite,
d'un englobement du sujet dans le corps maternel. L'introjection alors fonctionnerait symétriquement
à la projection, avec l'objet dans une espèce de mouvement perpétuel, passant du dehors vers le
dedans, puis repoussé au dehors quand il est devenu intolérable à l'intérieur. 
C'est un abus, et c'est loin d'être freudien.

Par exemple observer, dans la cure d'un fétichiste, des impulsions boulimiques manifestes, corrélatives
d'un tournant dans la symbolisation de l'objet. Qu'est-ce que cette corrélation, à ce moment précis,
avec la pulsion orale ? Impossible de conceptualiser quoi que ce soit d'ordonné (dans nos pensées, 
dans la pratique, dans la clinique) si nous nous contentons de la vague notion à disposition dans 
ces cas-là qui est que "le sujet régresse". Déjà, il est là pour ça. Et si au moment même où le sujet est 
en train de progresser dans l'analyse, c'est à dire d'essayer de prendre la perspective de son fétiche 
"il régresse", vous pouvez toujours le dire, personne ne viendra vous contredire.
Je dis au contraire que chaque fois que
la pulsion apparaît dans l'analyse ou ailleurs, elle doit être conçue dans sa fonction économique,
par rapport au déroulement d'une relation symbolique définie. Pensez à mon schéma primitif de 
la structure symbolique de l'amour : la mère objet d'appel, objet autant présent qu'absent.
D'une part il y a ses dons, signes d'amour.
D'autre part les objets du besoin présentés à l'enfant sous la forme de son sein et ce qu'il contient. 
Les signes d'amour en tant que signes s'annulent s'ils deviennent autre chose que des signes d'amour,
parce qu'il y a équilibre entre les deux, il y a compensation :  chaque fois
qu'il y a frustration d'amour la frustration peut être compensée par le nourrissage, 
qui est satisfaction du besoin. 
C'est parce que la mère manque à l'enfant qu'il l'appelle, qu'il s'accroche à son sein,
et que le sein devient plus significatif que tout.
Car tant qu'il tient le sein il la tient, elle. Tant qu'il l'a dans la bouche il ne peut pas en être séparé.
En plus cela le laisse nourri, reposé et satisfait. C'est ainsi que la satisfaction du besoin est pour
une part compensation de la frustration d'amour, et peut presque devenir une sorte d'alibi.

L'objet (le sein, ou la tétine etc..) prend une nouvelle valeur :  objet réel toujours, 
mais qui, parce qu'il est partie prenante de l'objet d'amour, prend signification symbolique.
Il devient cet objet réel qui fait partie de l'ordre symbolique.
La pulsion alors s'adresse à l'objet réel (sein) en tant que partie de l'objet symbolique.

C'est à partir de là 
qu'on peut comprendre cette histoire d'absorption orale avec son mécanisme soi-disant régressif,
qui peut intervenir dans toute relation amoureuse : 
si un objet réel, qui satisfait un besoin réel, peut devenir un élément de l'objet symbolique.
tout objet pouvant satisfaire un besoin réel peut venir se mettre à sa place.
Et au premier rang cet objet parfaitement matérialisé et déjà symbolisé : la parole.
Si la régression orale à l'objet primitif de dévoration, la réaction d'incorporation, 
vient compenser la frustration d'amour, elle est le moule d'une autre sorte d'incorporation :
l'incorporation de certaines paroles, qui est à l'origine de la formation précoce du surmoi
Ce que, sous le nom de surmoi, le sujet incorpore, est quelque chose d'analogue à l'objet de besoin.
Non pas en tant que don, mais en tant que substitut au défaut du don, ce n'est pas du tout pareil.
[[NDMM : ma grand-mère m'a raconté que dans mon berceau, et réclamant ma mère -son lait,
son amour- mon père mettait sa main au-dessus du berceau, cela me calmait aussitôt. Les omissions
déformations de récit -quelqu'un raconte à quelqu'un qui raconte à quelqu'un- ne disent pas si c'était
la crainte, curiosité, ou le plaisir, qui me "calmait", ni pour combien de temps .. ni si en même temps
il disait chuuuuuut car ma mère se reposait -j'avais 9 mois quand mon frère est né-  Mais on pourrait
comprendre cela comme un acte (geste, plutôt qu'acte de parole) qui viendrait là non pas comme don,
mais comme substitut au défaut du donEt si on admet aussi que c'est ce que j'en aurais fait ...]]

A partir de là aussi le fait de posséder/ne pas posséder un pénis peut prendre double sens, 
entrer par 2 voies différentes dans l'économie imaginaire du sujet.
1. soit que le pénis à un certain moment situe son objet dans la lignée ou à la place de l'objet-sein (forme
d'incorporation orale du pénis qui a un rôle dans le déterminisme de certains symptômes et fonctions)
Dans ce cas le pénis est une fonction imaginaire car c'est imaginairement qu'il est incorporé.
2. soit qu'il entre dans l'économie imaginaire non pas en tant qu'objet compensatoire de la frustration
d'amour, mais en tant qu'il est au-delà de l'objet d'amour (la mère), qu'il manque à celle-ci. Dans ce
cas il s'agit du phallus qui manque à la mère, qui est au-delà d'elle et de sa puissance d'amour.

C'est à propos du phallus en tant qu'il manque, que depuis le début du séminaire je pose 1 question :
1.quand, comment, le sujet fait-il la découverte de ce manque ?  
2.à partir de cette découverte il se trouvera engagé à venir lui-même s'y substituer, c'est à dire choisir, 
pour retrouver l'objet d'amour qui se dérobe, de lui apporter lui-même son propre manque.

Cette distinction capitale permet d'esquisser ce qui est + ou - exigible pour que ce temps se produise.
D'une part la structuration symbolique,
d'autre part l'introjection, qui caractérise l'identification freudienne primitive. 
C'est dans un second temps que se produit la Verliebtheit, concevable uniquement 
dans le registre de la relation narcissique, relation spéculaire telle que je l'ai définie.
Elle se situe à partir du 6 ème mois : alors entre en jeu la relation à l'image de l'autre, qui devient
 ce autour de quoi s'organise, pour le sujet, son incomplétude vécue, le sentiment d'être en défaut
Car c'est par rapport à cette image qu'il voit comme totale, comblante, source de jubilation (c'est la
relation spécifique de l'homme à sa propre image) il réalise qu'il peut, à lui aussi, manquer qq chose.
L'imaginaire est entré en jeu. 
Dés lors, sur la base des deux premières relations symboliques entre l'objet et la mère de l'enfant, 
peut lui apparaître que : à la mère, ou à lui,  il peut imaginairement manquer quelque chose. 
Ainsi, dans la relation spéculaire, le sujet a l'appréhension et l'expérience qu'un manque est possible.
C'est donc au-delà de la réalisation narcissique, 
quand s'organise l'allée-venue du sujet à l'autre, allée-venue tensionnelle, profondément agressive, 
(autour de quoi vont se noyauter les couches successives de ce qui constituera le moi)
 que s'introduit, au-delà de ce que lui-même est comme objet d'amour pour la mère, cette idée que
l'objet d'amour -la mère- est pris, captivé, retenu dans quelque chose que lui-même, en tant qu'objet,
n'arrive pas à atteindre : une nostalgie en rapport au propre manque de l'objet d'amour.
Ceci repose sur l'effet de transmission qui ns fait admettre (c'est aussi imposé par l'expérience,
 et Freud y a adhéré jusqu'à la fin) que : aucune satisfaction par aucun objet réel quelconque
qui vient s'y substituer, ne parvient jamais à combler le manque aperçu dans la mère.

Chez la mère (NDMM : comme chez tout sujet) il reste, comme point d'attache de son entrée
dans l'imaginaire, le manque de phallus. (NDMM cela existe donc à coté de la relation à l'enfant.

C'est après le second temps de l'identification imaginaire spéculaire à l'image du corps 
(qui est à l'origine du "moi"), que tout sujet peut réaliser ce qui manque à la mère.
En effet, l'expérience spéculaire de l'autre comme totalité est une condition préalable. Cest
par rapport à cette image de l'autre comme totalité que le sujet réalise qu'il peut à lui aussi
manquer quelque chose. C'est ainsi qu'il aborde le manque qui existe au-delà de l'objet d'amour.
 Il est amené à désirer (NDMM : + ou - intensément, + ou - longtemps) que ce manque soit comblé,
en se substituant à ce manque, en se proposant lui-même comme l'objet qui comble.

Je vous ai amenés à une forme que vous devez la garder à l'esprit pour la prochaine leçon.
On voit se dessiner les fonctions qui vont se différencier dans le sujet achevé :
surmoi,  idéal du moi,  moi.
Pour cela tâchons de savoir (voir l'art.de Freud) ce que c'est que cet objet qui dans la Verliebtheit 
vient à la place du moi ou de l'idéal du moi.
Evoquant le narcissisme, j'ai insisté sur le fait que la formation du moi est une formation idéale
puisque c'est à partir de l'idéal du moi que le moi se détache. Ouvrez Freud, ses obscurités
fécondes, et vous trouverez ces schémas, où il place les mois des différents sujets.

            Idéal du moi              moi                       objet           objet extérieur

                                                                                GRAPHISCHE DARSTELLUNG de Freud.
                                                    http://www.textlog.de/freud-psychoanalyse-verliebtheit-hypnose.html


Pourquoi les sujets communient-t-ils dans un même idéal ?

Freud explique qu'il y a identification de l'idéal du moi avec des objets supposés être le même. 
On voit que sur le schéma il relie ces trois objets avec un objet extérieur derrière eux tous.
Voyez-vous la ressemblance avec ce que j'explique ? Le Ich-ideal (en français idéal du moi)
 il ne s'agit pas simplement d'un objet, il s'agit de quelque chose au-delà de l'objet,
et qui vient se refléter, non pas purement et simplement dans le moi 
(qui en ressent  sans doute quelque chose  et peut s'en appauvrir) mais dans quelque chose 
qui est dans ses soubassements mêmesdans ses 1ères formes, ses 1ères exigences,  
pour tout dire, sur le premier voile, où il se projette, sous forme d'un idéal du moi.

La prochaine leçon reprendra en ce point, 
sur le rapport de l'idéal du moi, du fétiche
et de l'objet en tant qu'objet-qui-manque, c'est à dire : le phallus.

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