jeudi 10 octobre 2013

8. L'instrumentalisation du langage qui nous éloigne de notre histoire.

Moïse sur le mont Nebo

Dans une lecture que je fais en ce moment,
qui est L'expérience d'une psychanalyse de Ignacio Garate Martinez,
j'ai relevé ce matin un passage, ou plutôt une remarque, dans un phrase, un simple rappel en fait,
mais qui m'a renvoyée à ma réflexion du moment sur la mise en oeuvre du traitement des mots
par les pouvoirs totalitaires qui veulent se débarrasser d'un opposant "pas dans la ligne" :
ils commencent par le supprimer .. dans leurs discours.
Sauf que l'histoire ne peut s'arrêter là, parce que :
1/ la chose qui a un jour été nommée vit pour toujours,
2/ le pouvoir qui pense s'en débarrasser en l'éradiquant des discours qu'il contrôle,
des discours qu'il fait tomber sur le peuple pour "restreindre les limites de sa pensée" (Orwell)
et en l'occurrence par "réduction programmée de la sphère langagière" (Dubuis-Santini)
va finir par vouloir se débarrasser de la parole qui porte ces mots,
 puis de ceux mêmes qui portent cette parole.
Ainsi en va-t-il du fascisme : les mots d'abord, les hommes et les femmes ensuite.
Cette idée est très bien évoquée dans l'article sur la suppression du mot "vin" :
".. interdire son évocation, harceler les vignerons via l'administration, 
traiter le vin comme du poison, ceux qui le font comme des dealers, 
et ceux qui en parlent comme des dissidents".
Ou dans le discours sur le plan autisme qui éradique les mots "psychanalyse" et "psychothérapie"
pour énoncer très tranquillement que les opposants perdront statut social et subsistance :
"(il y a des) .. méthodes recommandées .. et n'auront les moyens pour agir 
que (ceux) qui travailleront dans le sens où nous leur demandons de travailler."
(chaque fois que je lis cela, madame Carlotti, je me pince)

La volonté de mise à l'écart de la psychanalyse,
comme celle de l'histoire, de la philosophie, des langues anciennes,
revient à supprimer ce qui, de fait, touche à la mémoire, à l'histoire et à l'origine de l'homme.

Avec "L'expérience d'une psychanalyse" Ignacio Garate Martinez,
nous instruit sur le trajet de la nomination, de la transmission d'un nom, des valeurs
 et de la culture qui jalonnent l'histoire de chacun et l'inscrivent dans une lignée.
A contrario nous vivons aujourd'hui sous l'égide d'une "modernité" qui tente de supprimer
 la fonction paternelle, la différence des sexes, et les mots qui les évoquent,
sous l'égide d'une culture de la consommation qui prône de faire usage de tout possible.
(ce pourquoi le DSM supprime névroses/psychoses/perversions, structures du MANQUE,
au profit des TIC TAG TOC d'une horloge sans pendule, de symptômes du DEFICIT,
 sériés et endormis à coups d'antidépresseurs par généralistes interposés).

La phrase qui m'a amenée à associer sur l'instrumentalisation des mots est celle-ci :
"L'expérience du texte et le travail sur la lettre sont soumis à la raideur du narcissisme
( dont il ne faut pas oublier qu'il nous tient ensemble )
qui parfois mousse, et quitte le domaine de l'acte, et fugue,
pour éteindre la brûlure d'un autre texte en souffrance.
Il y a là le rappel que le travail du psychanalyste, sur la lettre, est comme toute action humaine
soumis à un déterminisme inconscient, cet "autre texte en souffrance", qui le colore et l'infléchit.
Et il y a la référence au narcissisme assortie du rappel de sa positivité,
qui est que : c'est un processus nécessaire dans la construction du psychisme.

Or le sort que subit ce mot, après un détour outre-atlantique, le ravale à une négativité.
Pour faire "nouveau", pour "vendre" des études à tire-larigot, Freud est ringardisé,
(ce n'est pas le pire) et il est diabolisé (ce qui, quand on est un anglo-saxon à l'esprit mal placé,
consiste à l'associer, sans nuance aucune, avec ce qui a trait à la sexualité génitale).
C'est ainsi que le narcissisme, processus indispensable à la construction psychique,
a laissé place à une étiquette : le "narcissique", et, pour bien évacuer le sens de l"ancien" mot,
le mot "pervers" est systématiquement accolé :
Adieu le narcissisme freudien, ses bons et loyaux services,
bonjour les pervers narcissiques dont strictement personne ne réussit à donner une définition,
que strictement personne ne réussit à cerner, et pour cause :
son élaboration repose sur un postulat tordu, aussi biaisé que celui des "gender theory".

Voilà pour mes associations concernant l'instrumentalisation fasciste de la langue.

Comme d'habitude, à partir des premiers mots j'ai tiré des fils et me suis laissée entraîner.
Ces premières réflexions jetées ici nécessitent une relecture, une synthèse et un bouclage,
qui viendront quand ils viendront.

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