mardi 24 juin 2014

Atterrissage en douleur.

J'avais six ans, ou plus, mais je ne chercherai pas les dates exactes,
qui fixeraient de trop ce que je veux conserver tel que cette voix le restitue :
la chant de la douleur, pour sublimer la douleur.
C'était l'époque où mes grands parents paternels voyaient leurs enfants (mon père et mes tantes),
atterrir chez eux, l'un après l'autre, plus ou moins ravagés.
Ce devait être pareil de l'autre coté, coté maternel, mais je l'ignorais, car j'étais coupée en deux.

L'étrangère au paradis.
Je dédie cette chanson
à tous les pieds-noirs qui atterriront ici, surtout ceux qui ont plus de soixante ans.
C'est en prenant connaissance de cette initiative là
chez La radio des blogueurs,
que j'ai pensé, à cause du fil qui sous-tend ce blog, à cette chanson, et l'ai cherchée sur Youtube*
dans cette version et pas une autre.
Quant au rapport avec la psychanalyse, je commence une élaboration sur le souvenir-écran,
cet indicateur du traumatisme.
                                                                                                                 à suivre, donc.


jeudi 19 juin 2014

Article ouvrant le blog, du 17 août 2011.

1 ère séance : Je reviendrai.

Femmes fellah puisant de l'eau. J.L.Gerome.

 Je reviendrai, un jour, sur "gargoulette". 
Ce qui vaut à ce mot de figurer ici en bonne place, c'est qu'il a "tracé sa route" 
au milieu d'autres mots-trésors, que cette route a croisé un jour celle de la psychanalyse,
de la clinique sous transfert *et qu'il a pris de ce fait une dimension particulière.
      Mais avant je vais faire un détour, ou plusieurs, des tours, ou des variations, 
sur ces mots qui tracent leur route** dans notre mémoire faite d'oublis.
La première variation c'est un texte d'Alain Merlet  intitulé "Manger sa soupe",
texte qui ouvre le recueil "Qui sont vos psychanalystes ?" paru en 2002.
Il y a dans ce texte des éléments qui me donnent l'impression d'une familiarité,
et d'autre part il entre en co-incidence avec l'idée qui sous-tend mon projet ici.
 C'est au cours de mon analyse que j'ai découvert à quel point nous nous plaçons, 
dans le cours de notre vie, sous le "patronage" de certains arrangements de mots
Cela m'arrive encore, et l'étonnement est toujours intact, sinon l'émerveillement. 
Jacques Lacan l'a formulé de mille manières, dont celle-ci :
"Dans la succession  de nos constructions fantasmatiques,
c'est toujours le même matériel qui tourne."
Oui. 
Déguisé, transformé, déplacé, condensé, trituré, dans nos constructions fantasmatiques, 
dans nos rêves, dans nos symptômes, il "trace", ce matériel, ce matériau : le mot
Si je pose que consacrer du temps à blogger est une formation symptomatique, 
alors une parenté sera inévitablement repérable entre les mots que je vais utiliser,
parce qu'ils me semblent adéquats alors qu'ils sont surtout attirants, et attirés.
Entre "Gargoulette" choisi pour ouvrir le blog, en être le point de départ, 
et dont je constate déjà à mes associations d'idées qu'il va le verctoriser,
et les mots qui résonnent dans le texte de ce parfait inconnu qui s'appelle Alain Merlet,
quelque chose "me parle", qui va me faire parler, et qui a déjà commencé.
"Soupière", par exemple, brille d'un éclat particulier, ainsi que "pierre", 
"rata", "ratatouille.. éclat qui, je le sais par expérience, cache autant qu'il éclaire.


S'il "trace, ce "matériel", c'est qu'une force le propulse 
et le pousse à s'insérer dans nos discours : méconnaissable la plupart du temps,
mais insistant, invisible sauf indices qui peuvent être interprétés, si on le désire.
  L'existence et la force de ce qui insiste ainsi, de ce qui veut faire retour et se répéter,
a constitué le socle d'une oeuvre, d'une vie de recherches et de trouvailles, 
l'oeuvre de Sigmund Freud.

                                                 
* parler à un autre, dans les conditions de la cure psychanalytique, donne à certains mots
prononcés dans son contexte (la présence de l'analyste, qui facilite, autant qu'elle rend difficile, la parole)
                     un relief et un statut particuliers : on les connaissait, on les employait à l'occasion,                                 mais tout à coup voilà qu'on y revient plus souvent, 
et surtout, ils deviennent le point de départ de pensées, de souvenirs, 
pensées et souvenirs qui eux-mêmes en amènent d'autres, par associations.  

** j'ai choisi ce terme d'une part suivant l'expression "tracer sa route", qui signifie se frayer un chemin
     parmi des situations diverses, et que j'associe à une image : l'image de quelqu'un qui avance, 
plutôt vite mais surtout sans être distrait, et dont on dit :"regarde un peu, il trace, je te dis pas !".
D'autre part, "trace", dans notre psychanalyse freudienne, c'est ce qui, des événements vécus par le sujet,
subsiste en lui et est susceptible de faire retour dans ses rêves, ses symptômes, ses discours.

samedi 7 juin 2014

Bonnes fêtes les papas : inscrire "père", et inscrire "mère".


Dans certaines écoles élémentaires, de par la France, des enseignants ont décidé, pour des motifs
que je qualifie d'à coté de la plaque, de priver les petits enfants d'une élaboration vitale
 sur le fait qu'ils ont un père, et qu'ils ont une mère. 
Toute mon enfance et adolescence j'ai eu à remplir, comme tous les écoliers, dès que j'ai su écrire,
 des fiches sur lesquelles j'inscrivais, dans la case "profession de la mère" : "décédée".
Très tôt, puisque à la mort de ma mère j'avais vingt-deux mois, mon frère quatre,
Et elle vingt-et-un ans.
Dans la case "profession du père" j'écrivais "cultivateur" faute d'en savoir beaucoup plus.
Il y avait de très bonnes raisons à ce non-savoir. 
Je reviendrai peut-être, un jour, sur de plus complètes élaborations quant à cette situation.
En attendant, je dois dire que non seulement cela ne m'a causé aucun tort, mais qu'au contraire 
cela a été une aide du coté de ma structuration. Je n'avais jamais réfléchi à cet état de choses,
c'est cette stupide décision d'enseignants qui me ramène ceci à élaborer.
L'absence totale d'affect à ce sujet suggère que peut-être, dans le contexte de notre vie d'alors,
la mienne, celle de mon petit frère, de notre père, celle de "grand-père et mémé",
dans notre vie familiale et notre vie tout court, notre vie de pieds-noirs déracinés,
et en ce qui me concerne dé-racinée au-delà du racontable, ces inscriptions de la mère et du père,
même là, même dans ces conditions, ont eu un rôle structurant.
Toute décédée qu'elle soit, inscrire ma mère au moins dans cet espace, c'était l'inscrire quelque part.
Et tout absent qu'il soit, mon père, c'était aussi l'inscrire comme père, en sa fonction. 
 Ainsi nous n'avions pas moins que les autres, nous n'étions pas moins.
Ainsi avons-nous écrit des poèmes entourés de cœurs et de rubans avec "bonne fête mémé"
ou "bonne fête grand-père", sur des banderoles accrochées dans la cuisine de La Bégude.
Comment ces inscriptions se sont tricotées avec la réalité, je l'ignore.
C'est ce qu'elles ont fait, pourtant.
Et si les enseignants d'alors, qui en ce cas furent au minimum pragmatiques, avaient,
à cause de moi,
empêché tous les élèves de ma classe, tous ceux de l'école, de fêter père et mère ?
Et bien bonjour les brimades, et bonjour la culpabilité !

Mon père a fait la campagne d'Italie et le débarquement de Provence. En 1944 il avait 19 ans.












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