samedi 7 juin 2014

Bonnes fêtes les papas : inscrire "père", et inscrire "mère".


Dans certaines écoles élémentaires, de par la France, des enseignants ont décidé, pour des motifs
que je qualifie d'à coté de la plaque, de priver les petits enfants d'une élaboration vitale
 sur le fait qu'ils ont un père, et qu'ils ont une mère. 
Toute mon enfance et adolescence j'ai eu à remplir, comme tous les écoliers, dès que j'ai su écrire,
 des fiches sur lesquelles j'inscrivais, dans la case "profession de la mère" : "décédée".
Très tôt, puisque à la mort de ma mère j'avais vingt-deux mois, mon frère quatre,
Et elle vingt-et-un ans.
Dans la case "profession du père" j'écrivais "cultivateur" faute d'en savoir beaucoup plus.
Il y avait de très bonnes raisons à ce non-savoir. 
Je reviendrai peut-être, un jour, sur de plus complètes élaborations quant à cette situation.
En attendant, je dois dire que non seulement cela ne m'a causé aucun tort, mais qu'au contraire 
cela a été une aide du coté de ma structuration. Je n'avais jamais réfléchi à cet état de choses,
c'est cette stupide décision d'enseignants qui me ramène ceci à élaborer.
L'absence totale d'affect à ce sujet suggère que peut-être, dans le contexte de notre vie d'alors,
la mienne, celle de mon petit frère, de notre père, celle de "grand-père et mémé",
dans notre vie familiale et notre vie tout court, notre vie de pieds-noirs déracinés,
et en ce qui me concerne dé-racinée au-delà du racontable, ces inscriptions de la mère et du père,
même là, même dans ces conditions, ont eu un rôle structurant.
Toute décédée qu'elle soit, inscrire ma mère au moins dans cet espace, c'était l'inscrire quelque part.
Et tout absent qu'il soit, mon père, c'était aussi l'inscrire comme père, en sa fonction. 
 Ainsi nous n'avions pas moins que les autres, nous n'étions pas moins.
Ainsi avons-nous écrit des poèmes entourés de cœurs et de rubans avec "bonne fête mémé"
ou "bonne fête grand-père", sur des banderoles accrochées dans la cuisine de La Bégude.
Comment ces inscriptions se sont tricotées avec la réalité, je l'ignore.
C'est ce qu'elles ont fait, pourtant.
Et si les enseignants d'alors, qui en ce cas furent au minimum pragmatiques, avaient,
à cause de moi,
empêché tous les élèves de ma classe, tous ceux de l'école, de fêter père et mère ?
Et bien bonjour les brimades, et bonjour la culpabilité !

Mon père a fait la campagne d'Italie et le débarquement de Provence. En 1944 il avait 19 ans.












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