mardi 11 octobre 2011

Séminaire IV, leçon 8 : Dora et la jeune homosexuelle.


    Séminaire IV sur LA RELATION D OBJET ET LES STRUCTURES FREUDIENNES
1 ère partie :   THEORIE DU MANQUE D OBJET
                          1. introduction
                          2. les trois formes du manque d'objet
                          3. le signifiant et le saint-esprit
                          4. la dialectique de la frustration
                          5. de l'analyse comme bundling et ses conséquences.
2 ème partie : LES VOIES PERVERSES DU DESIR
                          6. Le primat du phallus et La jeune homosexuelle
                          7. "On bat un enfant" et La jeune homosexuelle.
                          8. Dora et la jeune homosexuelle.






Dans la revue Psychanalyse vous retrouverez une nouvelle tentative de la logique
là où elle est particulièrement vivante : dans notre pratique.
Et je vous renvoie à notre fameux jeu de pair/impair, et mon introduction sur la leçon La lettre volée.

Les 3 temps de la subjectivité en rapport avec la frustration ayant trait au manque d'objet :
Position zéro du problème : une opposition, l'institution du symbole + ou - , présence ou absence.
Le second temps est que le fait de déclarer pair ou impair est une sorte de demande, qui nous met
en posture d'être gratifié ou non par la réponse de l'autre qui, comme il a déjà les dés en main,
il ne dépend plus de lui que ce qu'il a satisfasse ou non notre demande.
A ce 2nd stade du rapport duel instituant appel et réponse, s'établira le niveau de la frustration.
On en voit le caractère absolument évanouissant, littéralement impossible à satisfaire.
La troisième dimension donne son sens au jeu : la dimension de la loi latente à l'exercice du jeu.
Car de dont il s'agit du point de vue du demandeur, c'est que l'autre
est censé lui suggérer à tout instant la régularité, la loi, qu'en même temps il s'efforce de lui dérober.
L'institution d'une régularité, d'une loi conçue comme possible, celui qui propose la partie cachée
du jeu en suggère à chaque instant la naissance tout en la dérobant. C'est à ce moment que
s'établit ce qui est fondamental dans le jeu et lui donne son sens intersubjectif en lui donnant
une dimension qui n'est plus duelle, qui est une dimension ternaire. La valeur de mon texte
repose sur cette dimension essentielle : la nécessité qu'existent 3 termes pour que 
puisse commencer à s'articuler quelque chose ressemblant à 1 loi. 3 temps intersubjectifs
base observable de l'introduction de l'objet dans la chaîne symbolique. Car du fait que cet objet
vient à notre portée, sous notre juridiction, dans la pratique, il faut bien qu'il entre dans cette chaîne.

Nous en étions là dans l'histoire de notre cas d'homosexualité féminine, à ce 3 ème temps
constitué à partir d'une situation de départ. Je fais une concession au point de vue progressif avec
cette chronologique passé ==> futur pour faciliter les choses en nous rapprochant de ce qui se fait
d'habitude dans la dialectique de la frustration, sachant que la concevoir sommairement,
ne pas distinguer réel/imaginaire/symbolique aboutit à des impasses que je vous montrerai.

Voyons d'abord les principes des relations entre l'objet, la constitution de la chaîne symbolique.

D'abord : position de la jeune fille à la puberté : 
1 ère structuration symbolique et imaginaire classique, conforme à la théorie,
l'équivalence pénis-imaginaire/enfant instaure le sujet comme mère imaginaire par rapport  
 à un au-delà, le père dans sa fonction Symbolique, celui qui peut donner le phallus
c'est une puissance inconsciente (après le déclin du complexe d'Oedipe), et le Père en tant que 
celui qui peut donner l'enfant, est dans l'inconscient
(On avait le schéma en Z avec de : an haut à droite à en bas à gauche : Mère imaginaire, Enfant réel, Pénis (-) imaginaire, Père symbolique)

Arrive (deuxième temps) le moment "fatal" où il intervient dans le réel du fait qu'il donne
un enfant réel à la mère réelle : l"enfant du père" avec quoi la fille était en relation imaginaire
existe dans le réel. Quelque chose de réalisé n'est pas soutenable dans une position imaginaire.
L'intervention du père au niveau de "l'enfant dont il la frustrait" transforme l'équation
et sur le schéma en Z les places imaginaire/réel/symbolique) bougent. 
La relation du sujet avec le père, qui était dans l'ordre symbolique (formule inconsciente) s'inverse et
passe dans la relation imaginaire. C'est le troisième temps : une projection de la formule inconsciente
du 1er équilibre dans une relation "perverse", la relation imaginaire de son rapport avec la dame.
(Le schéma : de en haut à droite vers bas gauche : Enfant, Dame, Père imaginaire, Pénis symbolique (et une flèche de "Père Symb." à "Dame")

Expliquons la position des termes en jeu : D'abord ils imposent une structure : changer
la position de l'un fait bouger les autres, et l'analyse nous montre ce que cela signifie.
Ensuite Freud dit quelque chose de crucial sur cette observation : en raison de la conception
qu'il adopte, il cristallise entre lui et la patiente une position qui n'est pas satisfaisante puisque
elle interrompt l'analyse. Mais on ne peut mettre tout sur l'impasse de la position de la malade,
 son intervention à lui, sa conception, ses préjugés doivent y être aussi pour quelque chose : il donne
des exemples des résistances insurmontables et de leur sens exprimé surtout dans un rêve.
Rêve qui aurait pu donner l'espoir que la situation se normalise, un rêve où il ne s'agit que de réunion,
conjugo, mariage fécond, conjoint idéal, survenue d'enfants etc.. bref un rêve qui va dans le sens
que société et famille, sinon Freud, peuvent souhaiter de mieux comme issue du traitement.
Et Freud, fort de tout ce que lui dit la patiente sur ses intentions et ses positions, ne prend pas le rêve
au pied de la lettre et n'y voit qu'une ruse destinée à le décevoir, à l'illusionner et le désillusionner,
comme dans le jeu subjectif du devinement évoqué plus haut. A l'objection "Mais alors, l'inconscient 
peut mentir ?" il répond par un passage de La science des rêves (j'ai évoqué cela suite au rapport 
de Lagache sur le transfert) qui dit que le désir préconscient est comme l'entrepreneur du rêve,
mais il ne représente pas l'inconscient, pour cela il y faut aussi un désir inconscient.
Freud, qui distingue bien les deux désirs, n'en tire pas les conséquences, soit la distinction entre
ce que le sujet amène dans son rêve, que est inconscient et le facteur relation duelle 
quand quelqu'un raconte un rêve en s'adressant à quelqu'un. Un rêve produit en analyse comporte 
toujours une direction vers l'analyste, qui n'est pas obligatoirement la seule direction inconsciente.
Donc :
considérer les intentions que Freud dit être celles que la malade avoue (jouer avec son père le jeu
de la tromperie, feindre de se soumettre au traitement  en maintenant sa position, fidèle à la Dame),
et ce qui s'exprime dans le rêve n'est que l'intentionnalité préconsciente de tromperie ?
Il ne semble pas.
Car si ce qu'elle formule est bien dans une dialectique de tromperie
ce que formule l'inconscient (à la 3ème comme à la 1ère étape) est autre chose : l'inconscient
formule ce qui est détourné à l'origine, qui venait du père. Ramené au signifiant cele devient
le message de la fille, mais sous une forme inversée quelque chose comme "tu es ma femme",  
ou "tu es mon maître", ou "tu auras un enfant par moi." Nous savons que c'est toujours
sur cette promesse que se fonde l'entrée de la fille dans le complexe d'Oedipe
La position de notre jeune fille a démarré là aussi, et son rêve satisfait à cette promesse.
L'expérience montre que ce contenu de l'inconscient est toujours avéré.

Freud hésite devant ce contenu, car il n'était pas arrivé à une formule épurée du transfert.
Car il y a dans le transfert élément imaginaire et élément symbolique, et un choix à faire.
Si le transfert a un sens, ainsi que la notion de Wiederholungszwang qu'il apporte ultérieurement,
et j'ai passé une année pour vous faire voir ce qu'elle voulait dire, c'est que :
c'est parce qu'il y a insistance propre à la chaîne symbolique qu'il y a transfert.
C'est une insistance qui, par définition, n'est pas assumée parle sujet. 
Pourtant le seul fait qu'elle se reproduise, en venant à l'étape 3, qu'elle subsiste dans un rêve,
permet de dire que ce rêve
même s'il paraît trompeur car il est au niveau imaginaire et en relation directe avec le thérapeute,
 ce rêve est, et lui seul, le représentant du transfert au sens propre. Freud aurait dû y mettre
sa confiance et intervenir avec audace. Mais sa position sur le transfert oscillait, pas encore sûre que
le transfert se passe essentiellement au niveau de l'articulation symbolique. C'est d'elle qu'il
s'agit quand nous parlons de transfert, et de l'analyse comme lieu du transfert. De l'articulation
symbolique avant que cela soit assumé par le sujet, comme dans ce qui est ici un rêve de transfert.
Donc Freud note qu'il y a quelque chose de l'ordre du transfert,
mais il n'en tire pas la conséquence stricte ni la méthode adéquate d'intervention.
Et cela vaut pour un autre cas, celui de Dora : le problème s'ouvre au même niveau,
de la même façon, mais il fait l'erreur contraire. Les deux cas s'équilibrent admirablement, ils
s'entrecroisent strictement l'un vers l'autre : même confusion entre imaginaire et symbolique
mais surtout, ils se correspondent strictement dans leur constellation totale,
à ceci près que l'un s'organise, par rapport à l'autre, sous la forme du positif au négatif,
 illustrant parfaitement la formule de Freud, que la perversion est le négatif de la névrose.

Termes communs aux deux jeunes filles : un père, sa fille, une dame autour de qui tourne le
problème. La différence : pour Dora, ce qui concerne "Mme K" est caché à Freud, pour qui il s'agit
d'une petite hystérique amenée pour quelques symptômes, mineurs mais caractérisés, et une sorte de
menace de suicide. Mais le père la présente comme une malade, ce qui dénote une crise
dans le groupe social où se maintenait un certain équilibre. Equilibre rompu depuis deux ans en fait,
en raison de ce qui est dissimulé à Freud : le père avait une maîtresse, Mme K, épouse de Mr K.
Ce couple et le couple père-fille constituant une sorte de quatuor, la mère hors du tableau,
contrairement au cas de la jeune homosexuelle où la mère, présente, ravit l'attention du père, ce qui
introduit l'élément de frustration réel déterminant dans la formation de la constellation perverse.
Dans le cas Dora c'est le père qui introduit une femme, Mme K (et éjecte la mère NDMM).
Dora marque de manière frappante immédiatement à Freud sa revendication, extrêmement vive,
que tout son comportement montre, de l'affection de son père qui lui a été ravie par cette liaison,
 dont elle a toujours été avertie, de sa permanence, sa prévalence, qu'elle ne peut plus la tolérer.
FFFreud fait alors un pas,
le premier pas, le plus décisif de l'expérience freudienne : il ramène Dora à une question.
En l'occurrence c'est "Ce contre quoi vous vous insurgez là comme contre un désordre,
n'est-ce pas quelque chose à quoi vous avez vous-même participé ?" Car il met très vite
en évidence que jusqu'à un certain moment, la position a été soutenue par Dora elle-même.
Elle y a été complaisante, elle en a été la cheville, protégeant les apartés du couple père/dame,
se substituant à la dame dans ses fonctions (gardant les enfants), et même qu'elles ont un lien
tout à fait spécial en ce sens qu'elles sont allées très loin dans les confidences.
 (je dirais qu'elle a été utilisée, qu'elle l'a fait pour plaire, et que cela explique sa rancœur NDMM).
Tout ce que je dis sur le cas n'est qu'un rappel rapide,
alors que ce cas est d'une telle richesse qu'on y fait encore des découvertes.
(Par ex. l'intervalle de 9 mois entre le symptôme hystérique de l'appendicite et la scène du lac, que
Freud croit découvrir parce que la malade le lui donne de façon symbolique, alors qu'il s'agit en fait
de 15 mois. Or "quinze mois" a du sens car le chiffre 15 se retroue partout dans l'observation, c'est
donc un élément utile pour la compréhension, que cette valeur purement symbolique -nombre).
Freud s'aperçoit après-coup qu'il a échoué à cause d'une résistance de la patiente à admettre
sa relation amoureuse à Monsieur K, il le lui suggère de tout le poids de son insistance, son autorité.
Il indique même qu'il a sans doute fait une erreur, qu'il aurait dû comprendre que l'attachement
homosexuel à Mme K était la signification de la position primitive, et de la crise de Dora.
L'important n'est pas seulement que Freud le reconnaisse après-coup : on voit tout au long de
l'observation qu'il est dans la + grande ambiguïté concernant l'objet réel du désir de Dora.
Essayons de formuler cette ambiguïté, en quelque sorte non résolue : Il est clair que la personne de
Monsieur K a une importance prévalente pour Dora, qu'il y a une sorte de lien libidinal.
Mais il y a aussi quelque chose d'un autre ordre, et d'un très grand poids, qui joue un rôle
dans le lien libidinal de Dora avec Madame K. Voyons comment ces éléments pourraient expliquer
la progression de l'aventure, le moment où elle s'arrête, sa crise, le point de rupture de l'équilibre.
J'ai abordé cette observation il y a cinq ans, un premier abord en quelque sorte clinique 
sur la structure des hystériques :
l'hystérique est quelqu'un qui aime "par procuration" du fait qu'elle aborde l'objet homosexuel
en s'identifiant avec un de l'autre sexe. Je suis remonté à la relation qui est la matrice du moi,
 l'urbild du moi en tant que constitution imaginaire : je veux dire la relation narcissique,
dont j'avais repéré les traces dans l'observation :
en effet, la situation de "quadrille" ne se comprend que si on admet que le moi -et le moi seul-
de Dora fait une identification à un personnage viril => les hommes devenant des cristallisations
possibles de son moi, par cet intermédiaire ("être" la personnalité imaginaire de Mr K)
que Dora est attachée à la personne de Mme K.
J'étais même allé plus loin :
Madame K est quelqu'un d'important pas seulement en tant qu'objet d'un choix entre des objets,
et investie de la fonction narcissique au fond de tout amour, Verliebtheit,
mais parce que, comme les rêves autour de quoi tourne l'observation l'indiquent :
Madame K., c'est la question de Dora.
Transcrivons cela dans notre formulation et situons le quatuor dans notre schéma fondamental :
Dora, en tant qu'hystérique, venue au niveau de la crise œdipienne, a à la fois pu la franchir et n'a pas
pu la franchir car son père contrairement à celui de la jeune homosexuelle, est impuissant.
C'est central dans l'observation cette notion d'impuissance, et cela nous montre de façon exemplaire
 ce que peut être la fonction du père par rapport au manque d'objet par quoi la fille 
entre dans l'œdipe : sa fonction en tant que donateur.
Rappelez-vous la distinction que j'ai faite à propos de la frustration primitive qui peut s'établir dans
dans le rapport de l'enfant à sa mère : il y a l'objet dont l'enfant est frustré, et il y a son désir,
qui subsiste après la frustration. Ainsi l'objet, en tant qu'appartenance du sujet, subsiste aussi,
et c'est là que la frustration a du sens : la mère intervient alors dans un nouveau registre,
elle donne, ou ne donne pas, mais en tant que ce don est un signe d'amour.
Le père, lui, est fait pour être celui qui donne symboliquement cet objet manquant.
Dans le cas de Dora il ne le donne pas parce qu'il ne l'a pas, on peut le dire parce que
cette carence phallique du père traverse toute l'observation comme constitutive de la position.
Mais là encore ce n'est pas sur ce seul plan,
purement et simplement par rapport à ce manque qu'une crise va s'établir. Voyons :
qu'est-ce que donner ? y a-t-il une autre dimension introduite dans la relation d'objet
devenue symbolique par le fait qu'elle est possiblement donnée ou non ?
C'est la question, dont nous voyons une issue exemplaire avec le cas de Dora.
En effet, Dora
reste si attachée à ce père dont elle ne reçoit pas symboliquement le don viril que son histoire
 commence exactement à l'âge de l'issue de l'œdipe avec une série d'accidents hystériques nettement
liés à des manifestations d'amour pour lui qui apparaît à ce moment-là comme blessé et malade,
frappé dans ses puissances vitales. Un amour strictement corrélatif alors à la diminution du père.
Remarquez cette distinction très nette :
ce qui intervient dans la relation d'amour, ce qui est demandé comme signe d'amour,
c'est quelque chose qui ne vaut que comme signe :
 pas de plus grand don possible, de plus grand signe d'amour, que le don de ce que l'on n'a pas.
La dimension du don en tant que quelque chose qui circule existe avec l'introduction de la loi.
Comme l'affirme la méditation sociologique, le don qu'on fait est toujours le don qu'on a reçu.
 Mais quand il s'agit du don entre deux sujets, le cycle des dons vient aussi d'ailleurs,
car ce qui établit la relation d'amour c'est le don donné, si l'on peut dire, "pour rien".
Le principe de l'échange c'est : rien pour rien.
Mais "rien" est ambigu, et la formule évoque autant l'intérêt que la pure gratuité.
Dans le don d'amour, quelque chose est donné pour rien, qui ne peut être que rien :
ce qui fait le don alors c'est qu'un sujet donne de façon gratuite qaund derrière ce qu'il donne
il y a ce qui lui manque : il sacrifie au-delà de ce qu'il a. Comme dans le don primitif
à l'origine des échanges humains, sous la forme du potlach. Supposons un sujet chargé du comble
de toutes les richesses possibles, un don venant de lui aurait-t-il la valeur d'un signe d'amour ?
Les croyants s'imaginent aimer Dieu parce qu'il détiendrait une plénitude totale, un comble d'être.
Mais cette reconnaissance envers un Dieu qui serait tout est pensable parce qu'au fond de toute
croyance, il y a ce quelque chose qui reste, là, qu'à cet être censé être un tout il manque
le principal de l'être : l'existence. Au fond de toute croyance au Dieu comme parfaitement
et totalement munificent, il y a la notion de ce je ne sais quoi qui lui manque toujours, et qui fait que
l'on peut tout de même toujours supposer qu'il n'existe pas. (raison pour laquelle les non
croyant sont assimilés au diable par certains NDMM)
Il n'y a pas d'autre raison d'aimer Dieu, si ce n'est que peut-être il n'existe pas.

En tout cas Dora en est là, quand elle aime son père : elle l'aime pour ce qu'il ne lui donne pas,
toute la situation ne peut se penser qu'à partir de cette position primitive, et qui va se maintenir.
 Comment elle a pu être supportée quand le père s'est engagé dans quelque chose d'autre, que Dora
elle-même semble avoir induit ? L'observation repose sur le ternaire Père-Dora-MmeK.

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Mme K.                     Dora                      Père

La situation s'instaure comme si Dora se demandait Qu'est-ce que mon père aime dans Mme K?
Mme K qui se présente donc comme quelque chose que son père peut aimer au-delà d'elle,
et elle s'attache à ce qui est aimé par son père dans une autre,
parce qu'elle ne sait pas ce que c'est.
C'est conforme à la théorie de l'objet phallique
qui dit que le sujet féminin entre dans la dialectique de l'ordre symbolique par le don du phallus.
Freud n'a jamais nié le besoin réel appartenant à l'organe féminin, à sa physiologie,
 mais ce n'est pas par lui qu'elle entre dans la position de désir,
car le désir vise le phallus à recevoir comme don, en tant que, absent,ou présent ailleurs,
il est porté à la dignité d'objet de don.
En tant que don il fait entrer le sujet dans le mouvement général de l'échange qui normalisera
 toutes les positions, y compris les interdictions essentielles qui fondent ce mouvement général.
C'est à l'intérieur de cela que le besoin réel lié à l'organe féminin,
et dont Freud n'a jamais songé à nier l'existence, se trouvera avoir sa place et se satisfaire,
latéralement car jamais repéré symboliquement comme quelque chose qui ait ce sens symbolique,
et il reste lui-même problématique, placé en avant d'un certain franchissement symbolique.

C'est ce dont il s'agit dans le déploiement de tous ces symptômes, dans l'observation de Dora.
Dora s'interroge sur Qu'est-ce qu'une femme ?
Parce que Mme K. incarne la fonction féminine, elle est pour Dora la représentation de ce dans quoi
elle se projette avec sa question. Avec Mme K Dora est sur le chemin du rapport duel, ou plutôt :
Mme K. étant ce qui est aimé au-delà de Dora, Dora se sent elle-même intéressée à cette position,
car Mme K. réalise ce qu'elle, Dora, ne peut rien savoir de cette situation où elle ne peut se loger.
Si ce qui est aimé dans un être est au-delà de ce qu'il est,
ce qui est aimé, en fin de compte, c'est ce qui lui manque.
Dora, qui se situe quelque part entre son père et Mme K (schéma plus haut), se sent satisfaite
tant que cette position (symbolisée de mille manières dans l'observation, par la façon dont le père
supplée à son impuissance, à ce qu'il ne réalise pas comme présence virile, par le don symbolique,
y compris matériels dont il fait bénéficier Dora au passage, munificences qu'il répartit également
sur sa maîtresse et sa fille, englobée dans la position symbolique), est maintenue. Pourtant elle tente
de restituer l'accès à une position inverse en rétablissant 1 situation triangulaire non plus avec le père
mais vis à vis de la femme qu'elle a en face. Là intervient Monsieur K par qui peut effectivement
 se fermer un triangle (Dora, Mr K, Mme K), mais en position inversée.

Mr K
*

                        
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                       Mme K             Dora                     Père


C'est par intérêt pour sa question que Dora considère Monsieur K faisant partie de ce qui
symbolise le côté question de la présence de Madame K, à savoir l'adoration (qui s'exprime par
une association symbolique très manifeste madame K/Madone Sixtine). En effet Mme K est


un objet d'adoration pour tous ceux qui l'entourent, et c'est comme participante à cette adoration
que Dora se situe par rapport à elle. Intégrer Monsieur K, élément masculin, dans le circuit,
est sa façon de normativer cette position.
Quant le gifle-t-elle ? pas quand il la courtise et lui dit qu'il l'aime, ou quand il s'approche d'elle
d'une façon intolérable pour une hystérique, mais quand il lui dit (la formule allemande a un sens
particulièrement expressif et vivant si nous donnons toute sa portée au terme "rien")
Ich habe nichts an meiner Frau.  Cela le retire du circuit, qui s'établit ainsi :  
Ce schéma vient du site de Patrick Valas, dans le séminaire Lacan ne dessine que le Z,
avec Dora et Mr K à qui elle s'identifie sur la ligne imaginaire, Mme K la question de Dora,
et le Père, Autre par excellence.    


Dora peut admettre que son père aime en elle et par elle ce qui est au-delà, soit Mme K.
Mais pour que Monsieur K soit tolérable il faut qu'il occupe la fonction équilibrante inverse,
qu'il aime Dora en tant qu'elle est au-delà de sa femme, et si sa femme est quelque chose pour lui,
la même chose que ce rien qu'il doit y avoir au-delà d'elle, Dora. Il ne dit pas que
"sa femme n'est rien pour lui", il dit "qu'il n'y a rien du côté de sa femme". On retrouve ce an
dans mille locutions allemandes (par ex Es fehlt an Geld) comme accointance, adjonction,
dans l'au-delà de ce qui manque, et c'est ce que veut dire Monsieur K : il n'y a rien après sa femme,
sa femme n'est pas dans le circuit. Mais s'il ne s'intéresse qu'à sa personne, cela veut dire que
son père ne s'intéresse qu'à Mme K, toute la situation rompue : Dora ne peut plus le tolérer.

C'est pourtant une situation typique aux yeux de Freud, et comme Levi-Strauss le montre dans
"Les structures élémentaires de la parenté" : ce qui est au principe de l'échange des liens de
l'alliance c'est Je reçois une femme je donne une fille, loi qui fait de la femme un pur objet,
femme comme pur et simple objet d'échange dans quoi elle n'est pas intégrée, par rien.
Mais si elle-même a renoncé à quelque chose, c.à.d. au phallus paternel conçu comme objet du don
alors elle pourra concevoir,  subjectivement, de recevoir d'autres (hommes). 
Si elle est exclue de la 1 ère situation du don et de la loi dans le rapport direct du don d'amour, 
elle ne peut vivre la situation qu'en se sentant réduite purement et simplement à l'état d'objet.
C'est ce qui se passe à ce moment-là pour Dora, qui se révolte et commence à dire mon père
me vend à quelqu'un d'autre, résumant clairement la situation maintenue dans un demi-jour :
c'était bien, pour le père, une façon de payer la complaisance du mari que tolérer de façon voilée
qu'il mène auprès de Dora la courtisanerie à laquelle il se livrait. Et ce monsieur K s'avoue
comme ne faisant pas partie de ce circuit où elle pouvait, soit l'identifier à elle-même,
soit penser qu'elle était cet objet au-delà de sa femme par où elle se rattache à lui :
les liens, certes subtils et ambigus certes mais dotés d'un sens et de l'orientation qui lui permettaient
de trouver sa place dans le circuit, même de façon instable, sont rompus.
La situation se déséquilibre, Dora se vit chue au rang de pur et simple objet.
Elle commence alors à entrer dans la revendication, revendication de ce que jusqu'alors elle pensait
recevoir, même par l'intermédiaire d'une autre : l'amour de son père.
Et puisqu'il lui est refusé totalement, elle va le revendiquer exclusivement.

Il y a une différence de registre des situations où sont impliquées Dora et la jeune homosexuelle.

Si ce qui est maintenu dans l'inconscient de notre jeune homosexuelle
est bien cette "promesse" du père qu'il lui donne un enfant,
et si dans son amour exalté pour la dame elle montre, comme nous le dit Freud,
le modèle de l'amour totalement désintéressé, de l'amour pour rien, on voit que ce qui se passe
c'est comme si elle voulait montrer à ce père ce qu'est le véritable amour, qu'il lui a refusé.
Il y a sans doute dans l'inconscient du sujet la pensée que le père s'est impliqué auprès de la mère
parce qu'il y trouve plus d'avantages, relation fondamentale pour que l'enfant entre dans l'oedipe :
la supériorité écrasante du rival adulte.
Ce que la fille démontre au père, c'est qu'on peut aimer quelqu'un non seulement pour ce qu'il a,
 mais littéralement pour ce qu'il n'a pas, ce pénis symbolique dont elle sait très bien
qu'il ne se trouve pas dans la dame,
parce qu'elle sait très bien où il se trouve : chez son père qui, lui, n'est pas impuissant.
 On voit ici
comment s'exprime ce qu'on appelle "perversion" : entre les lignes, par contrastes, par allusions.
Une façon de parler d'une chose tout en impliquant, par une suite rigoureuse de termes choisis,
une contrepartie, qui est ce qu'on veut précisément faire entendre.
C'est ce que j'ai appelé la métonymie : faire entendre une chose tout en parlant d'une autre.
Appréhender de manière générale cette notion fondamentale de la métonymie permet
de comprendre ce que veut dire la perversion, dans l'imaginaire. 
La métonymie est au principe de ce qu'on appelle dans l'art, dans la fabulation, le réalisme.
Un roman qui est fait d'un tas de petits traits sensibles du réel qui ne veulent rien dire, vaut par
ce qu'il fait vibrer harmoniquement : un sens, au-delà. Ainsi au début de Guerre et paix
le thème qui revient, les épaules nues des femmes, vaut pour quelque chose d'autre.
C'est ce qui rend supportables les grands romanciers : tout ce qu'ils s'appliquent à nous montrer
ne trouve son sens ni symboliquement, ni allégoriquement, mais par quelque chose
qu'ils font retentir à distance. Ainsi pour le cinéma : un film est bon quand il est métonymique.
Dans ce sens la fonction de perversion du sujet est une fonction métonymique.
Ainsi dans la perversion (schéma) nous avons affaire à  : une conduite signifiante
indique un signifiant plus loin dans la chaîne signifiante, qui lui est lié par un autre, nécessaire,

pour Dora, qui est névrotique, c'est autre chose.
Dora prise comme sujet se met à tous les pas sous un certain nombre de signifiants de la chaîne,
trouvant dans la situation une sorte de métaphore perpétuelle. Monsieur K, par exemple,
est littéralement une de ses métaphore car elle ne sait pas où se situer, ni ce qu'elle est,
 ni où elle est, et à quoi sert l'amour. Elle sait qu'il existe, et elle va en trouver une historisation
dans laquelle prendre place sous la forme d'une question.  (Le caméléon ?.. NDMM)
Question qui s'entend dans le contenu, dans l'articulation des rêves (boite à bijoux, Bahnhof,
Friedhof, Vorhof ..) qui ne signifient rien d'autre que cette question. Parce que Dora s'interroge
sur ce qu'est être femme elle l'exprime par des symptômes, éléments signifiants en tant que
sous eux court un signifié toujours mouvant qui constitue la façon dont Dora s'y implique.
La névrose de Dora s'avère donc métaphorique,
et en ce sens elle peut être dénouée.

Freud a voulu a voulu forcer l'élément réel de cette métaphore. L'élément réel tend toujours
à se réintroduire dans une métaphore. Quand Freud dit,  "Ce que vous aimez, c'est ceci",
quelque chose tend à se normaliser dans la situation (Mr K entre en jeu), qui reste quand même
métaphorique : une sorte d'engrossement de Dora suit la crise-rupture avec Mr K que Freud,
avec son prodigieux sens intuitif des significations, aperçoit : une étrange fausse-couche,
significative, se produit au terme de 9 mois. Freud le dit parce tel Dora en parle, avouant par là
qu'une sorte de grossesse est bien en jeu. Car la vraie date dit 15 mois, rien à voir avec grossesses.
Ce qui est significatif c'est que Dora y voit le dernier retentissement du lien avec Mr K.


Quelque chose équivalent à une copulation se traduit dans l'ordre du symbolique,
d'une façon purement métaphorique, avec un symptôme qui est, une fois de plus, une métaphore.
C'est la tentative de Dora de rejoindre la loi des échange symboliques,
en relation avec l'homme auquel s'unir ou se désunir.

Par contre l'accouchement qui se rencontre à la fin de l'observation de la jeune homosexuelle, avant
qu'elle vienne chez Freud, se manifeste autrement : brusquement, elle se jette d'un petit pont de
chemin de fer. Cela au moment où le père réel intervient pour lui manifester son irritation et sa
colère, et que sa "dame" ne veut plus la voir. La jeune fille perd ses derniers ressorts.
 Jusque-là elle était frustrée du phallus paternel qui devait lui être donné, mais avait trouvé moyen
de maintenir le désir par la voie de la relation imaginaire avec la dame. Celle-ci la rejetant,
elle ne peut plus rien soutenir du tout.
L'objet est définitivement perdu, et même ce rien dans lequel elle s'est instituée pour démontrer
 à son père comment on peut aimer, n'a plus de raison d'être : à ce moment-là elle se suicide.
Cela a comme autre sens, souligne Freud, le sens d'une perte définitive de l'objet. Ce phallus
qui lui est décidément refusé tombe : niederkommt, une chute, à valeur de privation définitive.
On y voit aussi la mimique (ce n'est pas métaphorique) d'une sorte d'accouchement symbolique,
mais du coté métonymique, ce dont nous avons parlé un peu avant. Freud interpréte l'acte de se
précipiter d'un pont de chemin de fer au moment critique et terminal de ses relations avec la dame
et le père comme la démonstration de se faire à elle-même cet enfant qu'elle n'a pas eu
et en même temps se détruire dans un dernier acte significatif de l'objet, parce qu'il se fonde
sur l'existence du mot niederkommt qui indique, métonymiquement, le terme dernier, le suicide.
Là s'exprime ce dont il s'agit chez la jeune homosexuelle, l'unique ressort de sa "perversion" 
(formule lacan "père-version" NDMM) : l'amour stable et très renforcé, pour le père.
Ce qu'il a maintes fois affirmé concernant la pathogenèse d'un certain type d'homosexualité féminine.


Après la 1 ère partie " Théorie du manque d'objet "
et la 2 ème " Les voies perverses du désir "

la 3 ème partie " L'objet fétiche",
commence avec la leçon (9) sur la fonction du voile.

Accéder directement à la leçon suivante.


















lundi 10 octobre 2011

Sém. IV : II, 7. "On bat un enfant" et La jeune homosexuelle.


                 Séminaire IV sur LA RELATION D OBJET ET LES STRUCTURES FREUDIENNES
1 ère partie : THEORIE DU MANQUE D OBJET
                      1. introduction
                      2. les trois formes du manque d'objet
                      3. le signifiant et le saint-esprit
                      4. la dialectique de la frustration
                      5. de l'analyse comme bundling et ses conséquences.
2 ème partie : LES VOIES PERVERSES DU DESIR
                       6. Le primat du phallus et La jeune homosexuelle
                 7. "On bat un enfant" et La jeune homosexuelle.





Nous avons tenté de résumer le cas d'homosexualité féminine présenté par Freud, et ébauché sa
structure. Le cas pourrait n'être que pittoresque, mais il faut poursuivre cette analyse structurale
aussi loin que possible, dans l'intérêt de la psychanalyse. Notre effort vise à répondre aux manques, 
de la théorie analytique. Lisez les propos de Mlle Anna Freud et Mme Mélanie Klein.
Sans soute Anna Freud a mis beaucoup d'eau dans son vin depuis,
     mais elle a fondé son analyse des enfants sur ce genre de remarques : 1) Les enfants étant encore inclus dans la situation créatrice de la tension névrotique, il ne peut pas y avoir à proprement parler transfert, névrose de transfert. 2) Les enfants étant encore en rapport avec les objets de leur
attachement inaugural, l'analyste a à intervenir entièrement sur le plan actuel, et 3) l'enfant
étant dans un rapport à la parole différent de celui de l'adulte, il doit être aidé au moyen du jeu.
Mélanie Klein quant à elle dit que rien n'est plus semblable à l'analyse d'enfant qu'une analyse
d'adulte, et que même à un âge précoce, ce dont il s'agit dans l'inconscient n'a rien à voir avec les
     parents réels, c'est une dramatisation profondément étrangère à l'actualité de la relation familiale Ainsi un sujet élevé comme unique par une vieille tante et loin de ses parents n'a pas moins
reconstitué tout un drame familial avec père, mère, frères et soeurs rivaux etc.. et 
donc ce dont il s'agit dans l'analyse n'est pas dans un rapport pur et simple avec le réel
mais s'inscrit d'ores et déjà dans une symbolisation.
Ces affirmations reposent sur son expérience, transmise dans des observations poussant parfois
les choses à l'étrange : voyez ce creuset de sorcière, de devineresse, au fond duquel s'agitent
dans un monde imaginaire global (l'idée de contenant du corps maternel
tous les fantasmes primordiaux présents dès l'origine, tendant à se structurer dans 
un drame apparemment préformé, et toute cette machine demandant pour se mouvoir 
que surgissent les instincts les plus agressifs. Fantasmagorie tout à fait adéquate aux données
uniques maniées par M. Klein, dont nous ne pouvons pas éviter de nous demander en présence
de quoi nous sommes, et que veut dire cette symbolisation dramatique qui se comble à mesure
qu'on remonte plus loin, qu'on approche de l'origine, avec un complexe d'OEdipe déjà là,
articulé, prêt à entrer en action. 
Cela mérite qu'on pose la question qui rejaillit partout, et que nous allons retrouver sur le chemin
par lequel j'essaye de vous mener pour l'instant, la question de la "perversion".
Question sur laquelle on entend des voix discordantes :
Les uns croient suivre Freud en revenant à la notion de fixation sur une pulsion partielle
qui traverserait indemne tout la dialectique de l'OEdipe sans rien subir des avatars qui tendent à
réduire les autres pulsions partielles, pour les unifier dans un mouvement aboutissant à la
pulsion génitale, idéale, unifiante. Mais la perversion accident dans l'évolution des pulsions, ou
la perversion comme négatif de la névrose, est une entité où la pulsion n'est pas élaborée.
D'autres, avertis par l'expérience, tentent de montrer que la perversion n'est pas cet élément
pur qui persiste, qu'elle fait partie de ce qui s'est réalisé à travers les crises, fusions, défusions
dramatiques que traverse une névrose, a les mêmes rythmes, les mêmes étapes, la même
richesse dimensionnelle. Quant à la perversion comme négatif de la névrose, ce qui ressort de l'analyse centrée sur la réduction des défenses c'est la perversion comme érotisation de 
la défense. Fort bien,  mais POURQUOI ? d'où vient cette érotisation, ce changement de qualité, 
de satisfaction libidinale ?  Cela n'est pas pensé.

Freud, en fait, nous a donné une notion à élaborer.
sa formule "la perversion comme négatif de la névrose" n'est pas à entendre simplement comme
le fait que ce qui est caché dans l'inconscient, quand nous sommes en présence d'un cas
névrotique, serait dans la perversion à l'état libre, à ciel ouvert. C'est une formule resserrée 
comme souvent chez lui, dont notre analyse doit donner le sens véritable. Nous allons voir
comment il conçoit le mécanisme qualifiable de pervers, voire d'une perversion catégorique, 
pour enfin apercevoir ce qu'il veut dire quand il donne cette formule.
Dans "Contribution à l'étude de la genèse des perversions sexuelles" son attention porte
sur une phrase dont il fait son titre, directement extraite de la déclaration de malades abordant
le thème de leurs fantasmes sado-masochistes quel que soit leur rôle dans tel cas particulier.

Son étude porte sur six cas de névrose obsessionnelle, quatre femmes, deux hommes, et il y a
derrière son expérience d'autres cas dont il n'a pas lui-même une aussi grande compréhension.
Comme le résumé d'une masse considérable d'expériences, et la tentative de l'organiser.
Quand le sujet met le fantasme en jeu dans le traitement il est très imprécis, il répond très
difficilement aux questions et marque une sorte d'aversion, vergogne, honte. Les pratiques masturbatoires plus ou moins associées à ces fantasmes n'entraînent pas de culpabilité, mais
il y a de très grandes difficultés dans la formulation des fantasmes, il y a un écart entre
l'usage fantasmatique/imaginaire des images, et leur formulation parlée. Ce comportement
marque que jouer mentalement du fantasme n'est pas du même ordre que d'en parler.

Freud livre son expérience sur ce fantasme énoncé par les sujets dans la formulation 
" On bat un enfant "
Je vous ai engagés sur ce chemin à partir du cas de la jeune homosexuelle. La progression 
de l'analyse révèle que ce fantasme s'est substitué, par 1 série de transformations, à
 d'autres fantasmes, qui ont eu un rôle à un moment de l'évolution du sujet. Dans leur
structure on reconnait -si on ouvre les yeux- des éléments manifestes, au moins sur la
dimension de structure subjective. Situer à quel niveau de la structure subjective ont lieu
les phénomènes éclaire ce qui dans la théorie peut faire ambiguïté, impasse, voire antinomie.
Trois étapes se scandent, nous dit Freud, dans l'histoire du sujet,
à mesure que cette histoire s'ouvre sous la pression analytique qui permet  retrouver l'origine du fantasme "On bat un enfant". Pour des raisons qu'il précisera ensuite, et sur lesquelles nous
reviendrons aussi, il se limite à ce qui se passe chez les femmes : à l'analyse, le 1er fantasme
retrouvé prend la forme "Mon père bat un enfant que je hais", et apparaît plus ou moins lié
à l'introduction d'un frère ou d'une soeur, rival qui se trouve à un moment, par sa présence et les
soins qui lui sont donnés, frustrer l'enfant de l'affection des parents, et dans nos cas (fille,
à un moment où le complexe d'OEdipe est déjà constitué, et la relation au père instituée) tout
spécialement du père. La présence du père dans les fantasmes primitifs n'est pas sans rapport
avec le fait qu'il s'agisse d'une fille, comme nous le verrons.

L'important, c'est que nous touchons là une perspective historique rétroactive :
Le sujet formule et organise une situation primitive dramatique 
à partir du point où nous en sommes dans l'analyse, 
d'une façon qui s'inscrit dans sa parole actuelle et son pouvoir de symbolisation présent.
 Ainsi se retrouve, par le progrès de l'analyse, 
ce qui se présente comme la chose primitive, l'organisation primordiale la plus profonde.
Je surligne ce passage pour m'en servir dans la rubrique "séance après séance"
dans la séance intitulée "Tu peux s.."ortir du labyrinthe.

La situation fantasmatique comporte trois personnages :
Le sujet
l'agent du châtiment
celui qui subit un châtiment enfant que le sujet hait, que le châtiment déchoit de la préférence
parentale, ce qui a pour résultat que le sujet se sente lui-même privilégié.
et triple dimension, triple tension : 
rapport d'un sujet à deux autres (un objet 1er et un objet 2nd)
et  un rapport entre les 2 autres objets qui motive quelque chose chez le sujet. 

 Le scénario Mon père bat mon frère ou ma soeur, pour que je ne croie pas qu'il les préfère.
révèle une causalité, une tension, une référence au sujet,
C'est aux yeux et en faveur du sujet que l'objet1 agit sur l'objet2, pour faire savoir au sujet qu'on
lui donne la préférence [c.à.d.l'amour]. Dc une sorte de peur, de tension, est en avant de cela,
une anticipation (dimension temporelle) comme moteur à l'intérieur de la triple situation.
Et il y a référence au tiers qu'est le sujet parce que c'est lui qui doit déduire quelque chose du
comportement de l'objet1 sur l'objet2. L'autre (objet2) est l'instrument d'une communication entre
2 sujets (communication d'amour) puisque c'est à ses dépens que le sujet reçoit l'expression de
son voeu, de son désir d'être aimé. La préférence est le signe que le sujet est aimé.
On est donc avec ce fantasme dans une formation déjà dramatisée, réactionnelle, venant après
une situation d'intersubjectivité complexe, avec ses scansions et ses références temporelles.
L'introduction d'un second sujet est nécessaire dans le fantasme :
un médium, un ressort est nécessaire pour ce qui est à franchir d'un sujet à l'autre.
Nous sommes devant 1 structure subjective pleine, établie dans le franchissement achevé d'1 parole.
Le point important n'est pas tant que la chose ait été parlée, 
mais que la situation ternaire, instaurée dans le fantasme primitif, 
porte en elle la marque de la structure intersubjective qui constitue toute parole achevée.

Par rapport à cette 1ère étape, la 2nde est réduite à 2 personnages. Freud la reconstruit car elle
est indispensable pour saisir la motivation de ce qui arrive dans l'histoire du sujet. Elle produit
le fantasme "Moi je suis battu par mon père", centré sur un rapport duel sujet/agent batteur.
Le 1er fantasme avait un sens, son schéma peut se flécher. Dans celui-ci aucune motivation
n'apparaît, on ignore dans quelle mesure le sujet participe à l'action, de quoi elle résulte. 
Le rapport duel dans le fantasme2 met un sujet dans une position exclusive avec l'autre, grâce
à l'indication que le sujet est battu. Mais la dualité posant la question de la réciprocité,
 on peut imaginer dans l'acte d'être battu  la possibilité d'un élément peut-être teinté d'érotisme.
C'est ce genre d'ambiguïté qui caractérise le sado-masochisme, l'essence du masochisme,
 le moi est très fortement accentué.
A l'étape précédente la situation était structurée : ni sexuelle, ni spécialement sadique.
Elle contenait toutes les virtualités, toutes sortes de traits étaient en puissance.
 La 2nde étape précipite vers un sens (un bat un autre) mais la dualité rend ce sens ambigu.
Le rapport duel contient la problématique du ou bien ou bien, et il est aussi susceptible 
de la réciprocité que toute relation duelle soulève sur le plan libidinal.
Cette étape est si fugitive, nous dit Freud, que d'une part nous sommes souvent forcés de la
reconstruire, mais aussi la situation se précipite dans la 3ème étape extrêmement vite.

Au 3ème temps le sujet se retrouve apparemment comme au 1er : en position tierce, réduit 
au point extrême de pur et simple observant. Après la situation intersubjective 1ère et sa tension
temporelle, puis la situation duelle et réciproque, retour à une situation désubjectivée dans
le fantasme terminal "On bat un enfant".
Le "on" remplace vaguement la fonction paternelle, mais en général on ne reconnait pas le père,
plutôt un substitut. D'autre part Freud a voulu respecter la formule du sujet, mais ce "un enfant"
a le sens de "plusieurs", n'importe lequel. Le fantasme le fait éclater en le multipliant, montrant
par là la désubjectivation essentielle produite dans cette relation. Désubjectivation radicale de
toute la structure, où le sujet est réduit à l'état de spectateur : oeil, ou ce qui caractérise toujours,
au point de réduction dernier, toute espèce d'objet. Il faut, pour le voir, pas forcément un sujet,
mais au moins un oeil, oeil qui peut n'être qu'un écran sur lequel est institué le sujet.




Sur le schéma la relation imaginaire, plus ou moins fantasmatisée, s'inscrit entre a-à, dans le rapport
plus ou moins marqué de réciprocité, de spécularité, entre le moi et l'autre. 
L'élément dont nous parlons ici est à placer sur la ligne S-A où prend place la parole inconsciente,
celle qui est à retrouver à travers tous les artifices de l'analyse du transfert du sujet.

Diverses formules mettent en valeur, d'1 façon ou d'1 autre, un accent de cette relation dramatique.
"Mon père, en battant un enfant qui est l'enfant que je hais, me manifeste qu'il m'aime" ? ou
 "Mon père bat un enfant de peur que je croie que je ne suis pas préféré" ou toute formule.
Cela ne se présente pas ainsi dans la névrose, c'est comme exclu. Pourtant ses évolutions se 
manifestent dans tous les symptômes constitutifs de la névrose, qu'on peut retrouver dans
cet élément du tableau clinique qu'est le fantasme.
Comment se présente-t-il ?
Il porte en lui le témoignage, encore très visible, des éléments de la parole, articulée 
au niveau de ce "trans-objet" qu'est le gd Autre, lieu où s'articule la parole inconsciente,
le S en tant qu'il est parole, histoire, mémoire, structure articulée.

Nous pouvons maintenant dégager une propriété de la perversion, plutôt du fantasme pervers.
Une réduction symbolique a éliminé progressivement tout ce qui est subjectif dans la situation,
il ne subsiste qu'un résidu, lui-même entièrement désubjectivé. Mais ce résidu garde en lui
-mais inconstituée, non révélée, non assumée par le sujet- toute la charge de ce qui est dans
l'Autre : la structure articulée où le sujet s'engage. Avec une consistance énigmatique.
Au niveau du fantasme pervers tous les éléments sont là, mais tout ce qui fait signification,
et qui constitue la relation intersubjective, est perdu. Restent des "signifiants à l'état pur"
qui se maintiennent sans elle, une objectivation des signifiants de la situation, vidés de leur sujet. 
Ce qui s'indique ici d'une relation structurante fondamentale de l'histoire du sujet au niveau de
la perversion, est à la fois maintenu, contenu, mais sous forme d'un pur signe.

Cela diffère-t-il de de ce que nous retrouvons au niveau de la perversion ? Du fétiche, qui a
un rapport avec cet au-delà, jamais vu (et pour cause) : le pénis de la "mère phallique".
Souvent le sujet fait un lien, après un bref effort analytique, dans les souvenirs qui lui sont
accessibles, à une situation précise : l'enfant s'arrête -c'est son souvenir- dans son observation
au bord de la robe de sa mère. Comme dans le souvenir-écran, ce moment où s'arrête la
chaîne de la mémoire. Dans notre cas elle s'arrête en effet, là, au bord de la robe qui arrive à
la cheville, là où commence la chaussure : c'est bien pourquoi celle-ci peut dans certains cas
particuliers mais exemplaires, prendre la fonction de substitut de ce qui n'est pas vu, et que
le sujet formule comme étant, pour lui, ce que la mère possède. A savoir le phallus. Imaginaire
 sans doute, mais essentiel à ce qui la fonde comme mère symboliquement phallique.

Le fantasme est qq chose de cet ordre, il fixe et réduit à l'état d'instantané le cours de la
mémoire : arrêt en un point qui va être souvenir-écran. Un mouvement de camera balayant
rapidement, qui tout d'un coup s'arrête en un  point, figeant tous les personnages. Une scène 
pleine, signifiante, articulée de sujet à sujet, se réduit à ce qui s'immobilise dans le fantasme
qui va rester chargé de toutes les valeurs érotiques comprises dans ce qu'elle a exprimé, 
et dont il est le témoignage, le support dernier, restant.
Ainsi se forme le moule de la perversion, par la valorisation d'une image 
en tant qu'elle reste le témoin privilégié de quelque chose qui, dans l'inconscient, doit être articulé, 
et qui sera repris dans la dialectique du transfert à l'intérieur du discours analytique. 
Chaque fois qu'il s'agit de perversion la relation imaginaire prévaut. La relation qui
se trouve sur le chemin de ce qui se passe entre le sujet et l'Autre, de ce qui, du sujet, 
reste dans l'Autre, pour autant que c'est, justement, refoulé. 
La parole est celle du sujet, mais
comme elle est, par sa nature de parole, un message que le sujet doit recevoir de l'Autre
sous une forme inversée, elle peut aussi bien y rester et y constituer refoulé et inconscient.
 Une relation est possible mais non réalisée. Un "possible" il faut de l'impossibilité
sinon ce ne serait pas refoulé : et c'est parce qu'il y a cette impossibilité dans les relations
ordinaires qu'il faut tous les artifices du transfert pour rendre à nouveau passable, formulable,
ce qui doit se communiquer venant de cet Autre, au sujet, autant que le je du sujet vient à être.
L'analyse freudienne nous indique ceci de façon nette, mieux que ce que je vous dis là :
Freud marque nettement que le problème de la constitution de toute perversion
doit être abordé à partir de l'Oedipe, sa révolution, son aventure, ses avatars.
Il est stupéfiant qu'on ait compris la formule de Freud, "la perversion .. négatif de la névrose"
comme le veut sa traduction "populaire", faisant de la perversion une pulsion non élaborée par
le mécanisme oedipien et névrotique, pure et simple persistance d'une pulsion partielle irréductible.
Au contraire, 
dans cet article primordial, et en beaucoup d'autres points, Freud indique suffisamment qu'aucune
structuration perverse, si primitive que nous la supposions -parmi celles qui viennent à notre
connaissance- n'est articulable sinon comme moyen, cheville de qq chose qui ne se conçoit,
ne s'articule que dans, par, pour le procès, l'organisation, l'articulation, du complexe d'oedipe.

Le cas de la jeune homosexuelle sur notre schéma de la relation croisée du Sujet à l'Autre :
 Sur l'axe S-A doit s'établir la signification symbolique, toute la genèse actuelle du sujet.
Sur a-à l'interposition imaginaire ce en quoi le sujet trouve son statut, sa structure d'objet,
qu'il reconnait comme telle, qui est installée dans une certaine moïté par rapport aux objets
qui lui sont immédiatement attrayants, correspondants de son désir, du moment qu'il est installé
sur les rails imaginaires qui forment ce qu'on appelle ses fixations libidinales.
Cinq temps sedistingueny dans les phénomène majeurs de l'instauration de cette perversion
-fondamentale ou acquise, peu importe : quand elle s'est indiquée, établie, précipitée, ses ressorts
et son départ. Elle s'est constituée tardivement, ce qui ne vaut pas dire qu'elle n'avait pas ses
prémisses dans des phénomènes primordiaux. Voyons les avenues dégagées par Freud :
D'abord un état primordial, à la puberté, vers 13/14 ans, la jeune fille chérit un objet, un enfant
qu'elle soigne et auquel l'attachent des liens d'affection. Elle se montre ainsi particulièrement
bien orientée dans le sens que tous espèrent, la vocation typique de la femme, la maternité.
Sur cette base quelque chose se produit
qui amène une espèce de retournement, et la conduit à s'intéresser à des objets d'amour marqués 
du signe de la féminité, des femmes en situation plus ou moins maternelle, néo-maternisante.
Elle est finalement amenée à une passion dévorante pour une personne appelée la dame, non
sans raison : elle la traite en effet dans le style très élaboré de rapports chevaleresques et
masculins, passion sans aucune exigence, sans désir ni espoir de retour, avec le caractère de don,
l'aimant se projetant au-delà même de toute espèce de manifestation de l'aimée. Bref, avec les
caractéristiques de la relation amoureuse dans ses formes les plus hautement cultivées.

 Le sujet infantile masculin ou féminin arrive à la phase phallique,
qui indique le point de réalisation de l'organisation génitale, juste avant la période de latence. 
Tout y est, y compris le choix d'objet. Cependant quelque chose qui n'y est pas :
 la pleine réalisation de la fonction génitale structurée, organisée. 
Il reste un élément fantasmatique, essentiellement imaginaire : la prévalence du phallus
 qui dit qu'il y a deux types d'êtres dans le monde, ceux qui ont le phallus, et ceux en sont châtrés.
Ces formules de Freud suggèrent une problématique dont certains auteurs ne peuvent sortir 
parce qu'ils tentent de la justifier à partir du sujet réel. Cela donne d'extraordinaires explications, résumées à peu près ainsi : tout est déjà deviné dans les tendances inconscientes du sujet 
qui aurait par nature la préformation de ce qui rend adéquate la coopération des sexes, 
la prévalence phallique serait une espèce de formation où il trouve quelque avantage, 
et que c'est un processus de défense. 
Dans cette perspective ce n'est pas incompatible mais c'est faire reculer le problème. .. 
s'engagent dans une série de constructions qui ne font que reporter à l'origine toute la dialectique symbolique, et deviennent plus impensables à mesure qu'on remonte vers l'origine.

Nous, nous admettons facilement qu'en cette occasion l'élément imaginaire est le phallus
C'est un fait, c'est lui qui introduit le sujet au niveau génital et dans la symbolique du don.
 Choses différentes pourtant liées par un facteur humain inclus dans la situation humaine réelle,
constituée des règles instaurées par la loi quant à l'exercice des fonctions génitales
règles qui viennent effectivement en jeu dans l'échange inter-humain. C'est parce que les choses
se passent à ce niveau que le lien est si étroit entre maturation génitale et symbolique du don.
Bien que n'ayant aucune cohérence interne, biologique, individuelle, 
le fantasme du phallus prend généralement valeur à l'intérieur de la symbolique du don.

Et le phallus, Freud insiste, n'a pas -pour une bonne raison- la même valeur pour celui qui le possède réellement, l'enfant mâle, que pour l'enfant qui ne le possède pas, l'enfant femelle.

      L'enfant femelle est introduite ds la symbolique du don en tant qu'elle n'a pas le phallus. 
C'est parce qu'elle phallicise la situation (avoir, ou pas, le phallus) qu'elle entre dans le
complexe d'Oedipe, où elle a à le trouver. (le garçon c'est par là qu'il en sort, quand il réalise
sur un certain plan la symbolique du don, il faut qu'il fasse don de ce qu'il a).     
Mais ce qu'elle n'a pas veut dire quoi ? Il s'agit d'un élément imaginaire, mais à l'intérieur
 d'une dialectique symbolique où ce qu'on n'a pas est tout aussi existant que le reste, c'est
simplement marqué du signe moins. Elle entre donc avec ce moins, comme le garçon avec le plus.
Et qu'on mettre un plus ou un moins, présence ou absence, il faut qu'il y ait quelque chose, et
ce quelque chose, c'est le phallus, ressort de l'entrée de la fille ds le complexe d'Oedipe.
Tant de choses peuvent être données en échange, à l'intérieur de la symbolique du don ! 
Tant d'équivalents du phallus se retrouvent dans les symptômes ! Freud va plus loin et
le dit à propos du fantasme"On bat un enfant" : si tant d'éléments des relations 
pré-génitales entrent en jeu dans la dialectique oedipienne (frustrations niveau oral/anal
pour éléments, frustrations, accidents .. de la relation oedipienne alors que cela devrait se faire dans
l'élaboration génitale) c'est que pour l'enfant ce qui se passe au niveau génital, dont il n'a
pas l'expérience, est obscur, alors que les objets des relations pré-génitales sont
accessibles à des représentations verbales, Wortvorstellugen. Pour lui ce que son père donne
à sa mère c'est son urine, parce qu'il connaît son usage, sa fonction, son existence comme objet.
Il peut le symboliser, pourvoir du signe + ou - parce qu'il est déjà réalisé dans son imagination.

Cela reste pour autant difficile à saisir, pour la fille : sa 1 ère introduction dans la dialectique
Oedipienne tient à ce que elle désire le pénis, ce pourquoi l'enfant qu'elle veut recevoir du père
en est un substitut. La jeune homosexuelle pouponne un enfant réel, consistant.
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imaginez un grand z : à son départ en haut à gauche : Mère imaginaire,
en haut à droite : Enfant réel,
en bas à gauche : Pénis imaginaire (-),
et en bas à droite : Père symbolique.
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Cet enfant satisfait aussi une substitution imaginaire phallique qui la constitue comme
mère imaginaire. Soignant un enfant elle acquiert le pénis imaginaire dont elle est frustrée,
ce que je note en y mettant (-). C'est cela qui caractérise la frustration originaire :
 tout objet introduit par une frustration réalisée n'est qu'un objet que le sujet prend 
dans la position ambiguë de l'appartenance à son propre corps.
(Certains mettent l'accent, dans les relations primordiales mère-enfant, sur l'aspect passif : l'enfant
ferait l'épreuve du rapport entre principe de réalité et de plaisir dans une frustration ressentie 
à cause de la mère ; ils parlent indifféremment de frustration de l'objet, de perte de l'objet d'amour ..)

Or il y a une opposition tout à fait marquée entre l'objet réel, le sein de la mère, dont
l'enfant peut être privé, et d'autre part la mère, qui peut accorder ou pas cet objet réel.
M. Klein distingue bien sein et objets partiels d'un coté, et la mère objet total créant chez l'enfant
les positions (dépressive etc) sans dire que ces objets ne sont pas de même nature.
La mère en tant qu'agent, instituée par la fonction de l'appel, est déjà,
sous une forme rudimentaire, prise comme objet connoté plus(présence) ou moins(absence),
et la frustration qui se rapporte à elle est frustration d'amour : tout ce qui vient d'elle
comme répondant à cet appel est don,  don comme signe d'amour visant radicalement 
quelque chose au-delà, l'amour de la mère. Et la frustration de l'amour porte en elle-même
toutes les possibilités de relations intersubjectives futures.

L'objet quel qu'il soit qui vient là pour la satisfaction des besoins de l'enfant c'est autre chose,
il s'agit de frustration de jouissance, grosse de rien. Elle n'engendre pas la réalité
aucune genèse de la réalité à partir du fait que l'enfant n'a pas le sein : s'il n'a pas le sein, il continue
à crier.. de faim. La frustration de jouissance relance tout au plus le désir,
mais aucune espèce de constitution d'objet quel qu'il soit.
C'est cela qui amène Winnicott à pointer la chose remarquable dans le comportement de l'enfant,
qui permet de parler de progrès : ce n'est pas parce qu'il est privé du sein de la mère 
qu'il en fomente l'image, ni aucune image, qui ont leurs dimension originales d'images.
Et il ne s'agit pas du sein, mais de sa pointe (nipple) qui est essentielle. Pointe du sein,
ainsi que phallus ont en commun de nous arrêter, car ils se constituent comme images.

Quelque chose succède à la frustration de l'objet-de-jouissance, chez l'enfant :
 une dimension originale, et qui se maintient dans le sujet comme relation imaginaire.
Non pas le simple élément qui lance le désir, comme le leurre orientant les comportements animaux
(même si l'image est individualisée dans le biologique -plumes désignant l'adversaire, et même si cela
n'est pas absent chez l'homme) , mais quelque chose d'accentué et observable chez l'enfant : 
que pour lui toutes les images sont référées à une image fondamentale, 
une forme d'ensemble qui lui donne son statut global et à laquelle il s'accroche : la forme de l'autre. 
Autour d'elle peuvent se grouper/se dégrouper les sujets, comme appartenance ou non appartenance.
==> Il ne s'agit pas de savoir à quel degré s'élabore le narcissisme 
(conçu au départ comme un auto-érotisme imaginé et idéal), mais au contraire de reconnaître
la fonction du narcissisme originaire dans la constitution du monde des objets.

Les "objets transitionnels" de Winnicott témoignent
de comment l'enfant pourrait constituer un monde au départ de ses frustrations. Il est vrai
que l'enfant constitue un monde. Mais pas à partir de l'objet de ses désirs dont il est frustré.
Il constitue un monde quand, se dirigeant vers quelque chose qu'il désire, il rencontre
quelque chose contre quoi il se cogne, avec quoi il se brûle. Mais qui n'est pas un objet
qui serait engendré par l'objet du désir, ni quelque chose modelé par les étapes du développement
du désir qui s'organise dans le développement infantile. C'est autre chose : l'objet, s'il est engendré
par la frustration, nous fait admettre l'autonomie de la production imaginaire liée à l'image du corps.
Objet ambigu, entre les deux, ni réel ni irréel, dit Winnicott avec pertinence, quand il arrive
là où on ne peut qu'arriver dés lors qu'on s'engage dans cette voie, sans aborder le problème de
l'introduction de cet objet dans l'ordre du symbolique. Objets transitionnels donc,
 mi-réels mi-irréels, auxquels l'enfant (pas tous) s"accroche" (coin de drap, bout de chiffon),
dont W. pointe bien la relation terminale avec le fétiche. Sauf qu'il parle de fétiche primitif alors
qu'il s'agit plutôt d'une origine. Et il s'arrête là-dessus ! Cet objet qui n'a ni pleine réalité
ni caractère pleinement illusoire, c'est comme les idées philosophiques ou systèmes religieux
au milieu de quoi vit un anglais qui sait d'avance comment se comporter : personne ne dit que vous 
y croyez dur comme fer, personne ne songe non plus à vous la retirer : domaine entre-deux,
choses et idées instituées comme demi-existence, qu'il ne faut pas chercher à imposer.
Monde institué des britanniques où chacun a le droit d'être fou à condition de le rester séparément. Imposer sa folie privée à l'ensemble des sujets, là commencerait la folie.

Revenons au cas de notre jeune fille amoureuse,
qui a son objet transitionnel, son pénis imaginaire, quand elle pouponne un enfant. 
Comment va-t-elle passer aux étapes suivantes ? Freud nous dit :
elle est homosexuelle, elle aime comme un homme, elle est dans une position virile.
Sur le schéma en Z cela se traduit ainsi : en haut à gauche Enfant, à droite Dame réelle,
en bas à gauche Père imaginaire, en bas à droit Pénis symbolique. On voit que le Père,
qui était au niveau de grand A à la 1ère étape, passe au niveau du moi. Et en "a'" maintenant
il y a l'objet d'amour, la Dame, qui s'est substituée à l'enfant. En A le pénis symbolique qui est,
dans l'amour à son point le plus élaboré, au-delà du sujet aimé, car ce qui est aimé dans l'amour
c'est ce qui est au-delà de ce sujet, littéralement ce qu'il n'a pas. La Dame est aimée en tant qu'elle
n'a pas le pénis symbolique, mais a tout pour l'avoir, en tant qu'objet élu de l'adoration du sujet.
Une permutation 
a fait passer le père symbolique dans l'imaginaire, par identification du sujet à sa fonction de père.
Et la Dame réelle est devenue l'objet d'amour justement d'avoir cet au-delà, le pénis symbolique,
pénis symbolique qui se trouvait d'abord au niveau imaginaire. Pourquoi ? Que s'est -il passé ?
La caractéristique de l'observation, qui apparaît aux deuxième et quatrième temps,
c'est qu'il y a eu introduction de l'action réelle du père, venant déranger les fonctions
de père imaginaire ds la relation imaginaire, et sa fonction de père symbolique ds l'inconscient.
Chez la fille,
l'enfant imaginaire/réel qu'elle "attend" du père suit et remplace le désir du pénis qu'elle n'a pas.

Dans notre cas, et c'est qui donne à la situation son dramatisme, trouver satisfaction dans
l'accentuation du besoin de pouponnement d'un enfant réel
(substitut réel du désir inconscient d'avoir un enfant du père) est déjà assez inquiétant, 
tandis que le père, lui, reste malgré tout de même au niveau inconscient comme progéniteur.
Mais voilà qu'il donne réellement un enfant réel, pas à sa fille bien sûr, mais à sa femme.
Il y a de quoi être frustré d'une façon particulière
quand un enfant réel du père symbolique est donné dans la réalité à sa propre mère.
C'est cela la caractéristique de cette observation.
Quand on parle d'accentuation des instincts, tendances, ou pulsion primitive comme étant cause
que les choses se précisent dans le sens d'une perversion, fait-on toujours la distinction
entre les 3 éléments absolument essentiels que sont imaginaire, symbolique et réel ?
Si la situation s'est révélée pour des raisons très structurées une relation de jalousie,
et si la satisfaction imaginaire à laquelle la fille se confiait a pris un caractère intenable,
c'est parce que s'y est introduit un réel,
réel qui répondait à une situation inconsciente et au niveau de l'imaginaire.
Par une sorte d'interposition, le père est réalisé au niveau de la relation imaginaire,
et n'est plus en jeu comme père symbolique. Passage de quelque chose d'articulé
dans l'Autre à quelque chose articulé de façon imaginaire comme une perversion. 
Relation que la fille va compléter comme elle peut, et c'est pour cette raison là que cela
aboutira à une perversion : la fille identifiée au père et prenant son rôle, devient le père imaginaire.  
Gardant son pénis, elle s'attache à un objet qui n'a pas, auquel elle doit donner ce qu'il n'a pas.
Cette nécessité d'axer l'amour non sur l'objet, mais sur ce que l'objet n'a pas, nous met
au coeur de la relation amoureuse et du don : ce quelque chose que l'objet n'a pas, c'est
ce qui rend nécessaire la constellation tierce de l'histoire du sujet.
La dialectique du don, qui est éprouvée de façon primordiale par le sujet, 
est aussi ce qui révèle les paradoxes de la frustration coté objet. 
Nous verrons ce que donne et signifie la frustration elle-même.


La leçon suivante :
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