mardi 13 novembre 2012

Qu'est-ce qu'on se passe ...



Impossible d'agrandir cette image, elle en devient trop floue. Dommage.
C'est un dessin 
Heath Robinson Inventions, Duckworth, Great Britain, 1973,
où on voit des personnages, surtout masculins, s'agiter de part et d'autre d'un filet :
tous une raquette à la main, ils tentent de recevoir une balle ou d'en frapper une,
mais comme ils sont nombreux les balles volent dans tous les sens, roulent à terre,
les personnages se contorsionnent, se percutent, chutent.

Les associations Psychanalyse actuelle et Cartels constituants de l'analyse freudienne
ont choisi cette image pour illustrer la parution des Actes d'un colloque de 1992
 Histoires de passes aujourd'hui. (érès) (lien)
Les témoignages sont très intéressants, et ils ont ceci de particulier qu'ils traitent de la passe
 instaurée par Jacques Lacan d'une manière pas exempte, par moments, de brutalité verbale,
dans des renvois d'arguments qui sont autant de balles qui atteignent, ou pas, leur but.
Si on a besoin de preuves que la passe remue le Réel, il n'y a qu'à voir comment la seule
évocation de la passe en général, et des passes personnelles affecte certains.
Dont le premier orateur, Eric Didier, qui passe .. un savon à certains, à défaut d'autre objet.
d'où mon titre "Qu'est-ce qu'on se passe ......"

Je fais une lecture personnelle de ce qui fait la particularité des témoignages
et des sentiments des intervenants dont certains sont poignants de souffrance contenue,
d'autres empreints de ce qu'il faut bien appeler une certaine méchanceté, 
et de ce qui se décline autour de cette procédure inventée par Lacan et aménagée depuis.

Lors de son séminaire de Mars 2013, Patrick Valas évoque le sujet,
ainsi que Claude Lecoq, qui en fait un article passionnant.


Eric Didier ouvre le bal avec INSTITUTIONNALISATION DE LA CHIENNERIE.

Le Réel, cet opérateur à penser la cure,
 a une autre dimension dans la passe, publique : il peut faire déraper passant et jury dans
la tentation de faire se tenir tranquille ce qui fait effraction. Un rapporteur extérieur peut
repérer cela : les dérapages à dimension de canaillerie, les postures de scrutateur du parcours
du passant, les méfaits de l'écoute sélective, la passe devenue collectif de pouvoir,
machine à dupliquer la théorie, machine à rêver/cauchemarder pour ceux qui ne s'y prêtent pas.
A contrario
la passe peut être un temps pour s'inscrire dans un collectif analytique, pour dire comment se
noue son propre malaise singulier à la détresse collective, pour se démarquer des symptômes
de son analyste voire ses positions inacceptables (je pense à l'éventuelle aliénation à 1 symbolique
qui l'empêcherait d'authentifier une détresse collective en la rabattant sur l'imaginaire ou en en
faisant une abstraction. (ex des feuilles de maladie -"la société me doit.."- trop souvent refusées)
Quelques passes, qui font résonner
une signature du sujet et sa prise dans le malaise collectif, interrogent le fondement même
de la pratique analytique : l'altérité radicale du fantasme inconscient, altérité
qui exclut le nouage grammaire-inconsciente/histoire-collective quand le Réel s'y est déchaîné
au point d'entamer le symbolique et l'imaginaire.
Le nazisme
 qui a dénoué et forclos corps/espace/temps, qui n'a pas fini de produire des effets, a affecté
la pratique analytique. Des analystes disent en être indemnes, et leur pratique peu affectée : c'est
décréter que l'ordre nazi, qui a fait lien social sur le traitement de l'humain comme matière première
serait sans conséquence d'après-coup. C'est éviter d'avoir affaire aux affaires d'héritage, dette,
transmission, réduites à fariboles en confondant Histoire et histoire de leurs liens transférentiels et
pérégrinations institutionnelles.
Un passant
disait son immense angoisse de mort à l'aller, vers ses séances, jamais présent au retour. Il avait
mentionné un grand père juif. Or l'interprétation fut : identification à Freud phobique des trains.
Sic sic resic, coup de balai sur l'énigmatique, l'équivoque, avec le nom de Freud barrant une
éventuelle ouverture sur les trains, les transferts, etc.. Devons-nous rester sourds à cette canaillerie
"ordinaire", autre que disjonctage particulier (dont rien ne dit qu'ils n'ont pas leur pareil dans le
secret des cures), que la passe révèle grâce à l'espace public, permettant travail d'enseignement ?
Que devient la psychanalyse quand
des analystes adhèrent sans broncher à une association dont les 4 fondateurs sont membres à vie ?
Qd d'autres se réjouissant de n'avoir pas connu Lacan fondent une association "pour les jeunes"
c'est à dire à partir d'un temps zéro ? Qd d'autres interdisent toute passe qui se tiendrait sans eux
attestant le désarrimage de la transmission, outre le simple refus de transmettre ? Qd l'hommage
à Claude Conté s'égare dans l'éloge de la meute (les chiens en meute du défunt reconnaîtraient
ses vrais amis en s'apaisant devant eux ..) et que personne n'y trouve rien à redire ?
Combien de signes faut-il pour prendre acte que ces positions publiques
adressées, faites pour être entendues, nous lient, s'il n'y est pas répondu ? Ne rien trouver 
à y redire institutionnalise la chiennerie qu'elles proposent. S'il y a connivence des institutions
pour taire cette chiennerie, c'est qu'elle a été peu interrogée par elles au fil des cures, et au pire
s'y est insinuée et institutionnalisée. N'est-ce pas un des ressorts qui poussent à refuser la mise
en pratique dans les associations d'une procédure qui rendrait public un tel scandale ?


Patrick Valas : REMARQUES SUR L'EXPERIENCE DE LA PASSE .

Serai-je intéressé par la passe causée par le désir de Lacan et sa demande insistante,
autant que par la psychanalyse causée par le désir de Freud ?
La passe existe, c'est un Réel que personne ne conteste, et la nécessité d'un dispositif,
hors cure, pour la saisir, dans le respect de sa structure passant/passeur/jury.
Quels sont les bouts de savoir recueillis sur ce qui distingue passe et fin de cure ?
L'expérience a été reprise à l'Ecole de la Cause Freudienne sans aucun éclaircissement sur
la question de la désignation des passeurs : insistante, elle est à mon sens une des principales
raisons de l'échec de l'expérience.
Car il y a paradoxe : si l'analyste n'est pas le mieux placé pour jauger la passe de son analysant
qui sort de l'épure du transfert dans le tracé de l'acte, sur quoi se fonde-t-il pour désigner le passeur
(censé "être la passe") ? Sur ce point c'est le brouillard, voire le brouillage. L'ECF remettant aux
AME (corps constitué, titre relevant d'une concession faite au groupe) la désignation des passeurs
la désignation des passeurs éjecte la question. Produire une école comme structure (non comme
symptôme de ce qu'ils ne parviennent pas à se dire) remettrait en cause le groupe.
Un cartel (membres renouvelables, travail d'élaboration, mission d'enseignement) remplace le jury.
J'ai participé de 1983 à 1985 à un cartel de passe.
La procédure ne réactualise pas la passe qui s'effectue dans la cure,
elle permet au passant de transmettre via ses passeurs la relecture qu'il fait de sa réécriture.
1. la question des passeurs : le cartel apprécie la qualité du passeur qui sait se laisser traverser par
le dire du passant, pour le transmettre sans comprendre comment il y est pris lui-même. Au moins
deux passeurs sont nécessaires pour transmettre la structure de la division subjective et parer au
défaut éventuel de la désignation (un passeur convient à un passant et pas à tel autre). L'analyste
devrait pouvoir mettre à l'épreuve sa désignation du passeur plutôt, qu'en laisser la charge au seul
analysant, qui peut se récuser mais pas demander à être passeur.
2. la réponse au passant : à celui qui élabore ce qui du privé fait irruption dans le public (et pas le
 contraire), au joint de l'articulation entre désir singulier et institutionnel, la réponse a à reprendre ce
désir mis en jeu dans la demande de passe, pas se réduire au trognon surmoïque d'un oui ou non.
3. la nomination suit la réponse, la dépasse dans sa visée, peu importent les effets de groupe ou
supposés bénéfices narcissiques. Elle vise ce point où le sujet ne peut se nommer lui-même
 tout en s'autorisant de l'acte. Mise en jeu d'un lien social à deux avec le psychanalyste comme
produit de l'acte analytique, la psychanalyse ne se pratique pas dans le désert : d'autres relèvent
ses coordonnées et le nomment. C'est le sens de l'aphorisme à double détente de Lacan selon
lequel "le psychanalyste ne s'autorise que de lui-même et de quelques autres, puisqu'il est
loin d'être seul à décider. Les psychanalystes, qui sont ainsi chacun "un", font série. Là se pose
la question d'un vrai athéisme dans la croyance aux noms-du-père et leur usage qui ne forclôt pas
l'institutionnel. Créance qui constitue un des aspects de la dette de l'analyste à la psychanalyse.
Nous avons procédé à deux nominations :
1. un passant a su nous convaincre de sa certitude subjective d'avoir fait émerger dans le Réel
le retour d'un savoir en lambeaux : un savoir chu de son propre (nom ?). La nomination s'est
logée à la place d'un nom propre qui lui avait été caché dans son enfance. Cette brèche ouverte,
il a poursuivi sa tentative d'établir une logique de la certitude, celle qui nous
au niveau du sujet vérité et savoir, distincte de la conviction délirante et de la croyance.
2. une passante a déplié des moments cruciaux de sa cure par où elle s'est arrachée au regard,
à la jouissance de l'Autre, pour, d"un reste de voix", relever le gant du S/s/s. Faire le pari du dire
pour soutenir le désir du psychanalyste "qu'on dise". Le reste de voix n'est pas ce à quoi se
réduirait le psychanalyste en fin de partie, il se creuse pour le passant dans la procédure, dans
l'écart entre ses dits et la voix qui le cause ds son désir. Elle travailla ensuite le rapport acte/écrit.
Le bilan de cette expérience :
un collège de la passe, et de nombreux travaux. Mais l'expérience fut en position d'exclusion
interne dès la parution des textes -dont la rigueur théorique fut saluée- rassemblés dans
Les racines de l'expérience, qui ont déplu aux "autorités". Effet d'écrit ?
A défaut de régler les difficultés posées par la désignation des passeurs l'affaire a tourné au
règlement de comptes sur le mode arlequinade stalinienne. "An nom de Lacan" les faussaires ont
"démocratiquement imposé" la passe à l'entrée à l'Ecole de la Cause Freudienne.
Pour des raisons de pouvoir en fait, il fallait vérifier si le sujet était sous transfert. Nous avons refusé
ce détournement de l'enseignement de Lacan et un par un nous avonx quitté l'ECF dès 1991.
Des personnes venant d'un peu partout ont créé Dimensions Freudiennes en décembre, association
qui aura son école et dont la clef de voûte sera la passe, parce qu'il faut donner une consistance
à une clinique interrogeant le désir de l'analyste, aucun enseignement ne pouvant garantir
la transmission et la formation du psychanalyste.


Anne-Marie Houdebine : LES GROUPES DE QUESTIONS CLINIQUES

A partir de la Proposition sur la passe, en 67, de l'acuité de cette question, et malgré (à cause ?)
de son échec, des analystes ont mis en place d'autres dispositifs. Le dispositif (ou protocole de
travail Formation/Transmission s'adresse à un analyste redevenant analyste :
1er temps.
Question d'un-e analyste à d'autres analystes, "sa question" clinique ou théorique, repérée
explicitement ou non, son envie de travailler quelque chose d'une cure, en cours ou non et pas
avec un contrôleur, même si celui-ci existe dans le tableau. Ni seconde tranche ni contrôle,
mais : lien social entre analystes. Une butée de la cure, une envie d'en témoigner à d'autres,
ou arrêter quelque chose d'impensable, immaîtrisable, nécessité d'instaurer du tiers autre,
venu/venant du "social", dans le lien de l'histoire biographique à l'Histoire. Aucune garantie
que ce soit avancée ou évitement. Sans doute les deux, comme l'intrication des processus
primaires et secondaires ou le travail des pulsions. Ce qui se pose c'est la question du désir
ou de la demande de l'analyste posant "sa" question : venant de l'analysant-e ? de l'analyste ?
de l'analyste de l'analyste ? D'où équivoque du "sa". L'expérience du  GQC à PA montre
qu'un analyste peut arriver avec une question, ou pas, déposer quelque chose d'une butée en lui,
 sans trop savoir quelle est "sa" question, ou venir avec une question d'ordre clinique ou théorique,
sans compter qu'ils peuvent s'entendre en formuler une autre.
2e temps.
Travail en cartel du groupe qui a écouté, sur ce qu'il a reçu. Les psychanal. ne sont pas nommés,
ce sont des membres qui désirent participer à un GQC dont les noms sont tirés au hasard pour
constituer le GQC valant pour 1 travail. Le groupe est dissout après le 3e temps de transmission
au public. E. Didier et A. Escogido sont responsables des modalités de ce fontcionnement
pour éviter que reviennent les mêmes noms. L'objectif du groupe ayant entendu quelque chose
de la question de l'analysant consiste à transmettre "sa" question, de chacun du groupe.
L'énonciation supposée de l'analyste sera reconstruite par les écoutants, l'énoncé de chacun
du groupe étant supposé le sien, tel que chacu l'a entendu, et son dire travaillé par la question du 1er.
Le risque si on veut réentendre = vouloir comprendre, maîtriser, s'instaurer en contrôle, risque de rationnalisation communautaire effaçant chaque singularité, ce qui advient constamment.
Difficile question du rapport singularité/communauté dans la parole oeuvrante se tissant
dans le groupe. Ecouter 1 seule fois favorise la reprise de l'écoute de chacun, davantage travaillée
sur le fil de chaque singularité, donc est plus subjectivante quand on constate à quel point
on a entendu la même chose.
3e temps
de déliaison-retransmission à un public d'analystes en présence de l'analyste silencieux,
dépossédé de ce qu'il a transmis. Temps supposé de transmission, de passage à un public,
où est aussi tenté quelque chose d'une dessaisie du cartel face à ce public.


                                       










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